SPIDER-MAN : NO WAY HOME
Etats-Unis – 2021
Genre : Super-Héros
Réalisateur : Jon Watts
Acteurs : Tom Holland, Zendaya, Benedict Cumberbatch, Jacob Batalon, Marisa Tomei, Jon Favreau, Willem Dafoe, Alfred Molina…
Musique : Michael Giacchino
Durée : 148 minutes
Distribution : Sony Pictures France
Date de sortie : 15 décembre 2021
LE PITCH
Juste avant de disparaître, Mysterio a révélé au monde entier la véritable identité de Spider-Man. Alors que sa vie devient un enfer, Peter Parker décide donc de faire appel à Docteur Strange afin de lancer un sortilège capable de changer les choses.
L’héritier de l’empire
Il y a deux ans, après 22 films, la Saga de l’Infini arrivait enfin à son terme. Si à l’époque certains avançaient que la fin de Thanos rimerait avec celle de l’omniprésence des films de super-héros en salles, le présent leur donne définitivement tort. Car après deux séries disponibles sur Disney + (WandaVision et Loki) la nouvelle saga Marvel a déjà ancré profondément ses premiers jalons et s’apprête, avec ce bon vieux tisseur de toile en tête de proue, à truster plus que jamais les salles obscures.
On pourra toujours continuer à lancer des tombereaux d’insultes à l’encontre de Kevin Feige et son armée d’exécutifs, les comparer à Thanos et son Ordre Noir, rien n’y fera : le patron de Marvel Studios, désormais tout puissant, a su plus qu’aucun autre avant lui donner réellement vie à l’univers des comics Marvel sur grand écran. Vingt ans après le visionnaire Avi Arad (à qui le générique de ce nouveau film rend légitimement hommage), Feige a su fédérer derrière lui et gérer d’une main de fer tout un pan de l’industrie cinématographique américaine. Ainsi on compte peu d’acteurs de cette jeune génération a ne pas avoir encore prêté leur visage à un personnage de la Maison aux Idées. Un nombre non négligeable de l’ancienne génération (Michael Douglas, Robert Redford, Michelle Pfeiffer…) a y avoir fait au minimum un cameo. Quant aux réalisateurs, même si la plupart ne sont que des yes-men sans véritable vision (on connaît le sort de ceux qui essaient d’imposer la leur), certains opus ont bénéficié du savoir-faire incontestable de grands noms du cinéma de divertissement (Joe Johnston) ou même d’auteurs (Kenneth Branagh, Chloé Zhao). Et le retour de Sam Raimi, par qui tout commença il y a plus de 20 ans, aux commandes du futur Dr. Strange and the Multiverse of Madness, laisse penser que la machine est loin d’être grippée et repart même pour un tour de plus.
One More Film
Et c’est exactement ce qui se passe à l’écran, tant les premières bobines de ce troisième Spidey version Tom Holland étirent ad nauseam toutes les ficelles de la recette désormais immuable de la « Feige’s Touch ». Soit de l’action virevoltante, des répliques cinglantes et une bonne grosse louche d’humour potache. Une coolitude bigger than life qui plaît évidemment à un jeune public tout acquis à la cause du grand marionnettiste sévissant en coulisses depuis maintenant deux décennies. Oui, deux décennies. Soit en gros une génération de jeunes spectateurs qui n’ont pratiquement connu que ce système de narration et de réalisation. Flippant. D’autant qu’au rythme d’un script qui livre rapidement ses nouveaux enjeux, le spectateur est convié à la nostalgie des débuts, qui démarre par le retour de Doc Ock et Green Goblin (tous deux incarnés par leur double de chair de l’époque, Alfred Molina et Willem Dafoe). Bientôt rejoint par plusieurs autres vilains issus, comme les deux précédents, des précédents films, mais versions Tobey McGuire et Andrew Garfield. Au passage, le protégé du défunt Tony Stark en profite pour les humilier copieusement, aidé par ses deux side-kicks habituels (Zendaya et Jacob Batalon) qui ridiculisent Doc Ock (pauvre Alfred Molina…).
Si le lecteur assidu du tisseur de toile reconnaît les bases du fameux (et controversé) run One More Day de Straczynski et Quesada, la gaudriole est telle à l’écran qu’elle empêche le moindre enjeu dramatique. Et alors survient le miracle.
Spider-Man Resurrection
Alors que le film abat ses dernières cartes, attendues depuis le début et même bien avant son générique via une campagne publicitaire en forme de rouleau compresseur, la magie opère enfin. D’abord via des scènes bizarrement plus calmes et posées mais surtout via une brillante idée qui va définitivement raccrocher le Spidey de Tom Holland à celui (le seul, l’unique) de papier. Tout ce qui fait le sel du personnage, toute la substantifique moelle de ce héros hors du commun et pourtant si proche de ses jeunes lecteurs depuis sa création reprend alors vie sous nos yeux réellement ébahis. Tom Holland (brillant acteur qui vaut bien mieux que ce seul rôle) devient enfin, et pour la première fois, Spider-Man. La phrase mythique, essentielle à la construction du héros est enfin prononcée, le drame survient et on assiste ENFIN à la naissance d’un Héros. La caméra de Jon Watts se calme et les partitions d’un Michael Giacchino toujours en forme l’accompagnent dans sa genèse. Tellement inattendue, tellement inespérée après une bonne centaine de minutes superfétatoires que l’ascenseur émotionnel est sacrément vertigineux. Et se poursuivra avec un climax à la réussite quasi exemplaire suivi d’un épilogue à l’amertume presque palpable.
Malgré les scories habituelles et une schizophrénie toujours aussi prégnante et galopante dans son résultat final, la méthode Marvel réussit donc une nouvelle fois à toucher sa cible. Enfin, ses cibles ! Celle de ses fidèles à l’écran depuis le Spider-Man de Sam Raimi et celle de ses lecteurs, plus vieux et moins aguerris à sa nonchalance et ses blagues de colo avec ses héros et ses Dieux. Pas une mince affaire et même plutôt un tour de force prémédité et réussit par l’Architecte Feige, décidément imbattable sur le marché du divertissement. On parlait d’univers Marvel ? Préparez-vous au Multivers, que rien ni personne ne semble plus pouvoir arrêter.