SOUS LA SEINE
France – 2024
Genre : Horreur
Réalisateur : Xavier Gens
Acteurs : Bérénice Béjo, Nassim Lyes, Léa Léviant, Sandra Parfait, Aksel Uslun, Aurélia Petit, Anne Marivin, …
Musique : Alex Cortès, Anthony d’Amario et Édouard Rigaudière
Durée : 101 minutes
Distribution : Netflix
Date de sortie : 5 juin 2024
LE PITCH
A quelques jours des championnats du monde de triathlon sur la Seine, une jeune militante écologique prévient de toute urgence une scientifique qu’elle vient d’apercevoir un immense requin mako dans une rivière le menant vers Paris. Avant qu’il ne soit trop tard, cette dernière tente de prévenir un commandant de la police fluviale…
Fluctuat Nec Mergitur
Armé d’un concept alléchant, Sous la Seine a clairement été pensé pour surfer sur le buzz généré par la tenue des trente-troisièmes olympiades à Paris dans les mois qui viennent. La bonne nouvelle, c’est que le film de Xavier Gens ne se limite pas à ce joli coup de pub et parvient à offrir aux amateurs de série B un divertissement humble, généreux et sincère. Et ce n’était pas gagné d’avance.
Plus proche de Peur Bleue de Renny Harlin que des Dents de la Mer de Steven Spielberg, le script concocté par le joyeux trio Yannick Dahan / Xavier Gens / Maud Heywang s’inscrit ouvertement dans une logique à la Roger Corman, mêlant cinéma d’exploitation, message écolo opportuniste et méchanceté bis. Passé une ouverture classique mais efficace où une équipe de scientifiques est décimée par un requin vorace au beau milieu d’un océan de déchets plastiques (une belle idée), Sous la Seine navigue à son aise entre clichés attendus et coups de théâtres pétés du casque dans un crescendo jouissif et jusqu’à un climax apocalyptique.
Certains rouages coincent, il fallait s’y attendre. La pseudo Anne Hidalgo campé par Anne Marivin ressemble davantage à un coup bas qu’à un personnage en bonne et due forme et la chose ne fera sourire que ceux qui prennent plaisir à tirer sur cette ambulance en particulier. On pourra aussi grincer des dents quant au portrait des militants écologistes (cheveux teints, geeks, gay friendly et look de zadistes, était-ce nécessaire de charger à ce point la mule?) même si leur message est, pour une fois, relayé avec respect au travers d’un casting majoritairement féminin. Les dialogues, enfin, continuent d’être le parent pauvre du cinéma de genre français avec une écriture purement fonctionnelle et mécanique.
La solidité de l’intrigue, rappelant le Piranha de Joe Dante, permet de passer facilement outre ces quelques défauts. Non seulement la dynamique qui se construit peu à peu entre le personnage de Bérénice Béjo et les policiers de la brigade fluviale est crédible et attachante mais la thématique (de plus en plus à propos) d’une Nature évoluant pour mieux punir l’être humain de ses excès et de son arrogance est développée avec une cruauté réjouissante et n’épargne pour le coup vraiment personne.
Gang de requins
Avec un palmarès aujourd’hui fort respectable (The Divide, Cold Skin, Farang et sa participation à la série Gangs of London), Xavier Gens aborde son film de monstre avec le savoir-faire et l’assurance d’un vétéran. S’il n’a rien perdu de son appétit de fanboy comme en témoigne un bodycount et des inserts gores qui ne font pas dans la dentelle, le réalisateur de Frontière(s) emballe Sous la Seine avec l’amour du travail bien fait, sans la moindre trace de gras. Ponctué de quelques morceaux de bravoure inédits dans une production française, comme cette scène de massacre dans une crypte en partie submergée, Sous la Seine est techniquement robuste et souvent spectaculaire. En dépit d’une poignée de SFX numériques un peu limites, les effets de maquillage, les prises de vue sous-marines et les faux squales sont le plus souvent bluffants et la direction artistique est impeccable. Saluons aussi la photo de Nicolas Massart et le montage de Riwanon Le Beller, pour beaucoup dans l’impact des scènes de flippe et la montée de la tension.
Bien qu’inégale, la direction d’acteurs fait aussi son petit effet. Bérénice Béjo et Nassim Lyes font le plus gros du boulot avec un duo de protagonistes unis par la douleur et la culpabilité plutôt que par une romance qui serait tombée comme un cheveu sur la soupe. La petite nouvelle Léa Léviant fait aussi forte impression dans un rôle pas forcément très gratifiant (la militante qui accumule les conneries).
Jusqu’à la toute dernière minute, Xavier Gens exploite donc son terrain de jeu avec gourmandise et offre au public exactement ce qu’il est droit d’attendre d’un film de requins en plein cœur de Paris. Tout n’est pas parfait, évidemment, et la place d’un tel film est sur grand écran bien que plus que sur une plateforme de streaming (il n’y a qu’à se rappeler les succès de The Deep House et Vermines) mais nous sommes comblés. Sous la Seine n’est pas cet avatar cynique et tant redouté de la franchise Sharknado. Ignorez ces critiques suffisantes qui crient au nanar et n’hésitez pas à piquer une tête : c’est un peu frais au début mais au bout de quelques minutes, on a plus envie d’en sortir !