SERMONS DE MINUIT
Midnight Mass – Etats-Unis – 2021
Genre : Fantastique
Réalisateur : Mike Flanagan
Acteurs : Hamish Linklater, Kate Siegel, Zach Gilford, Samantha Sloyan, Annabeth Gish, Michael Trucco, Henry Thomas, Rahul Kohli…
Musique : The Newton Brothers
Durée : 455 minutes
Distributeur : Netflix
Date de sortie : 24 septembre 2021
LE PITCH
La vie d’une petite communauté insulaire est bouleversée par l’arrivée d’un nouveau prêtre.
L’héritage du roi
Si on excepte le film Dr. Sleep, cela fait maintenant trois ans que toutes les réalisations de Mike Flanagan sont associées à Netflix. D’abord en 2018, avec The Haunting of Hill House, puis deux ans plus tard avec The Haunting of Bly Manor. Deux mini séries qui ont contribué à populariser le nom de cet auteur, digne héritier de Stephen King, et qui cette année revient avec Sermons de Minuit. Une troisième incursion dans l’horreur télévisuelle qui confirme une fois de plus l’identité génétique de son auteur et l’impose définitivement parmi ce qui arrive de mieux au genre (et à la télévision en général) actuellement.
Les auteurs, disons intéressants, se reconnaissent souvent à leurs obsessions, qui cachent la plupart du temps leur personnalité, leur moi profond. Mike Flanagan est de ceux-là. Si on se penche un tant soit peu sur sa filmographie, on remarquera alors, qu’au-delà de ses scénarios partageant une bonne partie de leur ADN avec l’œuvre du King (il signera d’ailleurs deux de ses nombreuses adaptations – dont une pour Netflix, déjà) certains thèmes y sont récurrents. La famille d’abord, qui va jusqu’à résonner derrière la caméra lorsqu’il s’entoure d’acteurs récurrents (Kate Siegel – qui est aussi sa femme à la ville – Henry Thomas, Carla Gugino, Annabeth Gish…). L’unité de lieu comme microcosme, aussi. Celui d’une chambre dans Jessie, d’une maison dans Pas un Bruit ou dans ses deux premières séries écrites pour Netflix. Et cette fois ci, pour Sermons de Minuit, une île. Une similitude dans l’écriture de ses histoires elle aussi piochée dans l’oeuvre de l’auteur du Maine (on pense à Castle Rock, sa ville-monde, ou à son récent Dome). Des microcosmes qui imposent, dès qu’ils sont posés, de s’aventurer au coeur des personnages, membres d’une même famille ou communauté, qui devront s’accommoder de leurs différences et trouver leur voie seul ou à plusieurs.
Dans Sermons de Minuit, Mike Flanagan rajoute à ses thèmes une nouvelle fois présents celui de la foi, religieuse ou pas, et de la mort (qu’il côtoyait déjà avec ses précédentes histoires de fantômes). Une richesse thématique au sein d’un scénario fantastique riche en rebondissements et dans lequel, peut être, l’auteur ne s’est jamais autant dévoilé.
La possibilité d’une ile
Le premier personnage de Sermons de Minuit c’est donc son île : Crockett Island. Une île de pêcheurs, autrefois prospère, réduite aujourd’hui à une centaine d’habitants vivant encore tant bien que mal de ce que la mer veut bien leur donner. Le continent n’est pas loin, les lumières de sa ville proche éclaboussent l’île chaque nuit. Mais ses habitants, aujourd’hui faune disparate venue de tous horizons, ne souhaitent pas s’y rendre, sauf urgence, ni changer de vie. Se fut pourtant le cas pour l’un d’entre eux, Riley Flynn (Zach Gilford, qu’on retrouvera bientôt dans la prochaine série de Flanagan, The Midnight Club), qui y est devenu avocat, s’est enrichi et, un beau soir, en état d’ébriété, est rentré en collision avec la voiture d’une femme que l’accident a tué sur le coup. Le premier épisode de la série commence avec cet accident, ses quatre années de prison et son retour sur Crockett Island. En même temps que le jeune homme revient, l’île accueille un nouveau personnage : le père Paul (Hamish Linklater, pour beaucoup dans le succès de la série). Un jeune curé venu remplacer Monseigneur Pruitt, figure historique de l’île. Le vieil homme de plus de quatre-vingt ans est parti en pèlerinage à Jérusalem afin d’y renforcer sa foi et trouver une force nouvelle pour ses paroissiens de plus en plus soumis aux doutes. Comme prévu, le voyage fut si éprouvant que le vieil ecclésiastique est à l’hôpital sur le continent et donc remplacé par ce nouveau venu. Un nouveau venu qui va vite prendre ses marques, convaincre ses ouailles avec des sermons d’une puissance inégalée, qui vont donner une nouvelle vie à la foi déclinante de la petite communauté. Mais ce que les habitants n’ont pas remarqué, c’est cette étrange caisse qui a été débarquée avec lui et que le père Paul s’est empressée d’ouvrir une fois installé. Un secret qu’il va d’abord garder pour lui, avant qu’il ne fonde sur l’île comme un poison et ne mène la petite communauté dans le chaos.
L’ange de la destruction
La première très grande force de Sermons de Minuit est de ne pas jouer indéfiniment avec son mystère de départ. Ainsi, dès son troisième épisode, et à l’issue de très belles scènes renvoyant directement à L’Exorciste, la plupart des questions que se posent le téléspectateur trouveront une réponse. Ne restera alors qu’à accompagner les personnages dans un long chemin de croix qui va les plonger, tous sans exceptions, dans une horreur allant crescendo.
Des personnages qui deviennent alors l’atout majeur de la série. Kate Siegel joue le rôle d’une femme un peu perdue s’apprêtant à accueillir seule un enfant, Michael Trucco (Battlestar Galactica) est un maire aveuglé par ses croyances religieuses, Samantha Sloyan (déjà présente dans Sans un Bruit) est glaçante en folle de Dieu prête à tout, Annabeth Gish (transfuge d’X-Files à qui Flanagan rend aussi hommage via quelques posters apparaissant à l’image) est une médecin qui va peser lourd dans la balance, le très bon Rahul Kohli (déjà dans Bly Manor) un shérif d’obédience musulmane et, face à eux, le méconnu Hamish Linklater (vu dans Legion) en homme d’église persuadé de ses choix qui, en voulant le plus grand bien de ses paroissiens, va les emmener aux portes de l’enfer. Un personnage central que la plume de Flanagan va nourrir intensément, notamment lors des scènes des fameux sermons, véritablement habités, qui donneront toute leur crédibilité aux évènements atroces qui suivront. Car si Sermons de Minuit semble parfois délaisser l’action et prendre son temps malgré son temps imposé de 7 épisodes seulement, c’est pour mieux approfondir ses personnages, développer ses thèmes, leur donner une ampleur inattendue, surprendre par la disparition de certains d’entre eux au moment où on s’y attend le moins et même prendre le temps de donner une définition très personnelle (et très scientifique) de la mort elle-même.
Une richesse thématique et scénaristique folles, qui pourtant repose sur une des figures (littéraires et cinématographiques) de l’horreur parmi les plus banalisées qui soient et que Mike Flanagan utilise sans jamais la nommer. Un tour de force.
Pour toutes ses raisons, Sermons de Minuit reste incrusté sur la rétine longtemps après son visionnage et demeure à ce jour la quintessence d’une écriture, qui ne cesse de s’améliorer d’année en année, d’œuvre en œuvre, d’un des meilleurs auteurs d’un genre dont ses Maîtres peuvent être fiers.