LE SEIGNEUR DES ANNEAUX : LA GUERRE DES ROHIRRIM

The Lord of The Rings : The War of the Rohirrim – Etats-Unis, Nouvelle Zelande, Japon – 2024
Genre : Fantasy, Aventure, Animation
Réalisateur : Kenki Kamiyama
Acteurs : Brian Cox, Gaia Wise, Miranda Otto, Luca Pasqualino, Lorraine Ashbourne, Shaun Dooley, Billy Boyd, Dominic Monaghan…
Musique : Stephen Gallagher
Durée : 134 minutes
Distributeur : Warner Bros.
Date de sortie : 11 décembre 2024
LE PITCH
Ce nouveau chapitre, situé 183 ans avant la trilogie du SEIGNEUR DES ANNEAUX, explore l’histoire de la Maison de Helm Poing-de-Marteau, roi de Rohan. Face à l’attaque soudaine de Wulf, un seigneur vengeur et cruel, Helm et son peuple se barricadent dans la forteresse de Hornburg, rebaptisée Gouffre de Helm. Dans cette lutte désespérée, Héra, la fille de Helm, doit rassembler le courage nécessaire pour diriger la résistance contre un ennemi déterminé à détruire son peuple.
Une légende du milieu
Avec La Bataille des cinq armées en 2014, on était loin de se douter que les Terres du milieu étaient loin d’avoir dit leur dernier mot. On était loin aussi de se douter que le nouveau « chapitre » serait un film d’animation et qu’il trébucherait aussi tristement au box-office, boudé partout dans le monde et projeté même parfois dans des salles quasi vides. Un désintérêt assez injuste pour un film qui certes n’a pas l’audace de ses modèles, mais délivre un divertissement épique tout à fait méritant.
Un peu plus de vingt ans après le lancement de la formidable trilogie imaginée par Peter Jackson, le monde de J.R.R Tolkien continue de fasciner les foules et les producteurs. D’un coté Amazon Prime qui profite d’un espace laissé par les droits officiels pour venir conter sa version (bordélique et mal goupillée à souhait) du Second Âge avec les deux saisons couteuses de Les Anneaux de pouvoir, et de l’autre la Warner / New Line qui entend bien profiter de l’univers de l’adaptation référence. Si au moins deux autres one shot sont déjà annoncés, dont un The Hunt for Gollum assez peu nécessaire sur le papier, le projet La Bataille des Rohirrim a aussi été motivé par la nécessité de proposer un nouveau long métrage officiel en à peine trois ans afin de ne pas perdre les droits. On a connu de plus gracieuses motivations, mais cela n’a certainement pas empêché la production, menée en l’occurrence conjointement par Warner Bros Animation et le studio Sola Digital Arts (Starship Troopers L’invasion vient de Mars, Apleseed Alpha, Blade Runner : Black Lotus), d’imaginer un grand film d’animation ambitieux et spectaculaire.
Un mythe redessiné
Mariant des décors parfois à la lisière du photoréalisme ( reprises directes d’environnements bien connus des fans), des éléments en modélisation 3D et des personnages en 2D traditionnelle mais basés sur les prestations d’acteurs réels (oui comme dans Le Seigneur des anneaux de Bakshi datant de 1978), La Guerre des Rohirrim, n’atteint certes pas la finesse d’une production Ghibli, mais démontre un mariage esthétique et technique entre les écoles de l’anime et du cinéma américain qui reste, si ce n’est renversant, au moins tout à fait convaincant et parfois même assez estomaquant dans ses séquences les plus inspirées : envol de seigneurs aigles, poursuite entre une cavalière et un oliphant en pleine furie destructrice, batailles plongées dans des nuits éclairées uniquement par les torches, tempête glaçant tout sur son passage… La Guerre des Rohirrim est spectacle épique, une fresque médiévale-fantastique directement dans la veine des textes de Tolkien et des longs métrages de Jackson. Si le scénario supervisé par Philippa Boyens, habituée de la franchise, n’est basée que sur quelques paragraphes informatifs et laconiques placées dans les Annexes de certaines éditions du Retour du roi, il replonge directement dans cette atmosphère celtique et héroïque qui fait tout le charme de la vraie Terre du milieu, et rejoue ce mélange d’action et de tragédie attendu.
Dans les grandes plaines
Réduisant au maximum les accents purement Heroic Fantasy, il se recentre alors sur un drame de pouvoir au sein du royaume du Rohan, quelques 200 ans avant les évènements de Bilbo Le Hobbit, ayant menée à la « création » du fameux Gouffre de Helm, et plaçant Héra, celle qui n’était évoquée que comme la « fille » de Helm Point-de-Marteau chez Tolkien, comme ultime rempart contre un nouveau conquérant félon et revanchard. Un bon moyen de prendre un peu de distance avec le manichéisme éprouvé de la grande histoire de l’anneau unique, pour se teinter plus volontiers de légende celtique et de (légers) accents shakespeariens. On est ici loin du simple film de franchise, du film de remplissage, même si effectivement le principal défaut de ce film d’animation est de ne jamais réussir à s’affranchir totalement du modèle écrasant des deux trilogies. Une ombre particulièrement prégnante dans les compositions de Stephen Gallagher qui triture dans tous les sens les thèmes d’Howard Shore sans en retrouver la puissance d’évocation, mais aussi dans le portrait d’Héra, résurgence des « Shieldmaiden » des légendes, frôlant souvent le décalque avec le destin d’Eowynn qui sert justement ici de narratrice. Outre un épilogue un peu laborieux accumulant trop frontalement quelques évocations ou apparitions inutiles, c’est surtout dans la réalisation de Kenki Kamiyama (Ghost in the Shell : Stand Alone Complex, Jin-Roh) que l’on perçoit cette course après l’épopée façon Peter Jackson, sans jamais vraiment réussir à se permettre les mêmes lâcher-prises, les mêmes instants de folie, le même lyrisme que le créateur de Braindead ou Fantômes contre fantômes.
Peut-être trop sage donc, trop engoncé dans un cahier des charges et un héritage particulièrement lourd, La Guerre des Rohirrim ne réussit forcément pas à se hisser aux hauteurs des deux grandes trilogies culte. Pourtant en maitrisant sa narration, en développant quelques angles encore inédits, et plus sombres, des Terres du milieu et en l’abordant par le biais d’un film d’animation léché, il ne démérite jamais vraiment, s’apparentant à un chapitre supplémentaire qui ne manque pas de puissance, de charmes et pourquoi pas de quelques fulgurances qui font leur effet sur grand écran.