PREY
États-Unis – 2022
Genre : Science-Fiction
Réalisateur : Dan Trachtenberg
Acteurs : Amber Midthunder, Dakota Beavers, Dane DiLiegro, Stormee Kipp, Michelle Thrush,
Musique : Sarah Schachner
Durée : 100 minutes
Distributeur : Disney +
Date de sortie : 5 août 2022
LE PITCH
En 1719, dans une tribu Comanche des Grandes Plaines du Nord, la jeune Naru s’entraîne avec passion pour devenir une guerrière. Face à une menace mortelle venue du ciel, elle va devoir prouver sa valeur, envers et contre tous …
Prey-quel
Entre audaces, ironie et compromis, The Predator a bel et bien failli avoir la peau de la franchise éponyme initiée en 1987 par le chef d’œuvre primal de John McTiernan. C’est donc par la petite porte du streaming et sous la forme d’une préquelle que le chasseur extra-terrestre tente aujourd’hui un come-back. Réalisateur du très solide 10, Cloverfield Lane, Dan Trachtenberg retrouve les joies simples du survival et redore le blason de l’alien rasta dans une série B parfois inspirée mais aussi un peu trop consciente de ses enjeux et de son message progressiste.
À en croire la presse en ligne et certains critiques en herbe, sans doute sous l’emprise d’une spectaculaire livraison de cocaïne et de champignons hallucinogènes, Prey serait le meilleur film de la saga Predator depuis le film original. L’inénarrable site Rotten Tomatoes (quand le 7ème Art devient affaire de notes comme en conclusion d’un trimestre au collège ou au lycée) ose même placer le film de Dan Trachtenberg en bonne place devant ses aînés. La bonne blague ! Soyons clairs, tout en restant un bon film, Prey est loin, très loin et même excessivement loin de pouvoir ne serait-ce que se mesurer au Predator 2 de Stephen Hopkins. Autant calmer nos ardeurs avant de pouvoir disséquer et apprécier ce cinquième opus à sa juste valeur.
L’idée de pouvoir renouer avec le concept simple et efficace du film original de McT en le replaçant dans un contexte de pur film d’époque était tout à fait excitante et Trachtenberg parvient à la concrétiser par un mélange de plus en plus rare d’humilité et de classicisme. On aurait certes préféré que le cinéaste s’inspire davantage d’Apocalypto mais ses références à La prisonnière du désert, à Danse avec les loups et à The Revenant sont les bienvenues.
On se demandait aussi comment Prey réussirait à rendre crédible la lutte d’une jeune héroïne contre un extra-terrestre aussi imposant et violent que le Predator. Tout est ici question d’équilibre et le script privilégie l’intelligence et l’instinct tactique de Naru qui retourne la toute-puissance et l’arrogance de son adversaire contre lui. Petite boule de charisme, d’énergie et de détermination, la prometteuse Amber Midthunder fait donc taire toutes les craintes et s’impose comme une belle révélation.
Mais la vraie surprise de Prey, et qui lui confère un joli supplément d’âme, se nomme … Coco ! Jouant Saari, le fidèle compagnon à quatre pattes de Naru, ce chien de Caroline spécialement adopté pour le film vole la vedette à chaque apparition et son duo avec Amber Midthunder est en fin de compte ce que la péloche de Trachtenberg a de plus sincère et de plus surprenant à nous offrir.
Le bon chasseur et le mauvais chasseur
Quelque peu prisonnier des standards de plus en plus déprimants des productions pour les plateformes de streaming, Dan Trachtenberg parvient de temps à autre à dépasser une mise en image calibrée, aseptisée et numérique pour livrer de ci, de là de superbes plans larges des étendues sauvages du Canada, quelques plongées vertigineuses et même un hommage direct à McTiernan lorsqu’il épouse la progression silencieuse d’un groupe de guerriers Comanches d’un mouvement de steadycam à la fluidité exemplaire. Pour le reste, il faudra se contenter d’une photo grisâtre et d’une faune sauvage et d’effets gore en images de synthèse d’une rare laideur et en contradiction totale avec un survival qui se voudrait viscéral et immersif.
Mais c’est sur le fond que Prey tend le plus souvent le bâton pour se faire battre. S’il négocie plus finement que bien d’autres films modernes son message féministe en faisant de son héroïne un personnage faillible avec un arc narratif limpide et qui a fait ses preuves, le reste est un peu plus problématique. Rendre hommage à la Nation Comanche en inversant les rôles entre les sauvages et les colons est une intention louable mais le scénario de Patrick Alson oublie de donner à ses personnages un minimum d’épaisseur et sombre carrément dans la caricature en faisant de ses trappeurs français des débiles profonds, crasseux et inintelligibles, opposés à des Indiens qui ressemblent parfois à des figurants elfiques tout droit sortis du Seigneur des Anneaux, tout beaux, tout propres. Le Predator est mieux loti que ses proies, son premier safari sur Terre le forçant à explorer son environnement et à remonter petit à petit la chaîne alimentaire jusqu’à l’espèce dominante. Son arsenal est dévoilé progressivement et le monstre retrouve enfin son aura de chasseur méthodique. Il y a toutefois un revers à cette médaille : ce que l’alien rasta gagne en caractérisation, il le perd en termes de menace et de mystère, Trachtenberg choisissant de révéler sa nature beaucoup trop tôt avec une entrée en scène dès le premier quart d’heure. On pourra aussi trouver discutable que le Predator serve de métaphore pas bien finaude au patriarcat, le tout appuyé par une poignée de dialogues pachydermiques et totalement déconnectés de l’époque et de la culture dépeintes. La preuve qu’Hollywood n’a toujours pas compris que le progressisme n’a rien à gagner à être réduit à un simple argument commercial et que toutes les séries B n’ont pas pour vocation de changer le monde. Gageons que Prey 2, déjà dans tous les esprits, ne souffrira pas des mêmes travers (et qu’au passage, Alan Silvestri fera son grand retour pour signer un score décent).