PINOCCHIO
Guillermo del Toro’s Pinocchio – Etats-Unis, Mexique, France – 2022
Genre : Conte, Fantastique, Animation
Réalisateur : Guillermo Del Toro, Mark Gustafson
Acteurs : Ewan Mc Gregor, David Bradley, Gregory Mann, Burn Gorman, Ron Perlman, John Turturro, Cate Blanchettt, Christoph Waltz
Musique : Alexandre Desplat
Durée : 117 minutes
Distributeur : Netflix
Date de sortie : 09 décembre 2022
LE PITCH
Le menuisier Gepetto nourrit depuis toujours le rêve d’avoir un fils. Une nuit, la fée bleue visite l’atelier du vieil homme et donne vie à une marionnette en bois, Pinocchio. Mais celui-ci ne deviendra un véritable enfant de chair et de sang qu’une fois preuve sera faite de sa sincérité et de son honnêteté.
Féerie
En dehors de ses films au formatage parfaits pour le public aseptisé au blockbuster, Netflix sait régulièrement sortir des sentiers battus pour nous proposer des œuvres différentes à tendance auteurisantes. Cet aspect n’est certes pas la première chose à laquelle nous pensons au sujet de cette chaine payante mais pourtant, les exemples se multiplient régulièrement.
Martin Scorsese et son Irishman, Jane Campion et The Power of the dog, Noah Bauchman et Mariage Story ou plus récemment le Blonde par Andrew Dominik sur la vie tumultueuse et romancée de Marylin Monroe. Une façade à faire pâlir la concurrence sans compter les séries TV et documentaires non dénués d’intérêt. Nous ne voulons pas faire ici l’apologie de la chaine, mais régulièrement celle-ci propose ce que les salles de cinéma laissent au profit des Marvel et autres Disney Story. Pour confirmer ces dires sur un sujet identique, il suffit de se tourner sur le naufrage de la version “Disney Plus” de Pinocchio réalisé par Robert Zemeckis. Malgré tout le respect que nous avons pour ce réalisateur, la société aux grandes oreilles continue son formatage en règle de son catalogue sans y insuffler l’âme de ces illustres ainés qui ont fait la réputation du studio.
A force de faire les yeux doux (et de sortir le portefeuille), beaucoup de cinéastes se laisse charmer par cette liberté que les studios de cinéma ne sont plus capables de leur offrir. Après avoir sorti récemment son anthologie du Cabinet des curiosités dont il s’est fait producteur, le grand Guillermo Del Toro s’est attaqué tranquillement à l’un de ses fantasmes de toujours : Pinocchio.
Il n’y a pas à tergiverser, le bonhomme signe ici l’un de ses plus grands films (si ce n’est le meilleur) dans une carrière ponctuée de merveilles.
Monstres et merveilles
Il lui a fallu près de trois ans pour mener à bien son projet. Comme à chaque fois dans son niveau d’exigence, le cinéaste sait s’entourer des meilleurs. Loin d’être égocentrique et de tirer la couverture à lui seul, il engage l’animateur de génie Mark Gustafson qu’il crédite comme coréalisateur pour donner vie à ses personnages en Stop Motion. L’histoire de Carlo Collodi est connue du monde entier grâce notamment à l’adaptation Disney ou bien à celle de Luigi Comencini pour ne citer que les plus fameuses. Pourtant, Guillermo arrive à accaparer d’une façon toute personnelle son sujet. Ses thématiques s’intègrent à merveille à son récit. Beaucoup de ces éléments rappellent son chef d’œuvre L’Échine du Diable où s’entremêlent l’enfance, la guerre, le fascisme et l’abandon. Del Toro ne dénature pas le récit mais le transcende pour qui veut le suivre. Pourtant le récit n’est pas facile. Le film est sombre, d’une tristesse parfois éprouvante mais jamais gratuite, il sait le ponctuer de tendresse, d’amour et d’humanité. Jamais ce petit garçon de bois n’a été aussi humain. L’animation est un chef-d’œuvre de stop-motion. Il ne fallait pas moins de mille jours de tournage dans son Mexique natal pour accomplir cette prouesse. Quelques minutes suffisent pour oublier l’animé et pour se plonger dans cette épopée magique. Aucun personnage ne démérite, bien au contraire. L’amour du travail bien fait transpire de la pellicule. Mention spéciale à l’animation de Gepetto, ce père au bord du gouffre qui traverse le film de mille expressions dont nombre d’acteurs sont incapables de fournir. Seul bémol pour ceux qui y sont réticent, des chansons qui, même si elles trouvent tous leur sens dans le film, ont tendance à ralentir le tempo. Le film a assez de profondeur pour captiver l’adulte et de magie pour intéresser l’enfant. Les petits comme les grands se retrouvent sur le même pied d’égalité. Celui de l’émotion, du rêve et des sentiments partagés. Et cette fin, oh là là cette fin, la plus belle vue depuis celle de Six Feet Under !
La merveille étant là, les rumeurs vont bon train pour que le réalisateur et Netflix remettent le couvert. Guillermo Del Toro rêve d’y faire un Frankenstein, le studio semble partant. Et qui sait, son arlésienne des Montagnes hallucinées pourrait finalement être relancée ?