OXYGÈNE
Oxygen – France, Etats-Unis – 2021
Genre : Science-Fiction
Réalisateur : Alexandre Aja
Acteurs : Mélanie Laurent, Mathieu Amalric, Malik Zidi
Musique : Rob
Durée : 100 minutes
Distributeur : Netflix
Date de sortie : 12 mai 2021
LE PITCH
Une jeune femme se réveille dans une capsule cryogénique, amnésique. Il ne lui reste que très peu d’oxygène…
C’est dans la boite
Deux ans après le succès surprise de Crawl, Alexandre Aja revient en France avec Oxygène, thriller de SF conceptuel et claustro à souhait produit par Wild Bunch et distribué par Netflix. Une franche réussite, un authentique tour de force et un métrage totalement en phase avec son époque.
Cécile de France cachée sous un lit, enfermée dans un placard puis à l’arrière d’une camionnette crasseuse dans Haute Tension. Emilie de Ravin et Vinessa Shaw violemment agressées et humiliées par des mutants cannibales dans l’espace exigu d’une caravane dans La Colline a des Yeux (et on ne vous parle même pas de ce pauvre Aaron Stanford qui se réveille dans un congélateur rempli de restes humains). La toute mimi Jessica Szohr menacée par des centaines de piranhas affamés dans la petite cuisine d’un bateau qui prend l’eau dans Piranha 3D. Kaya Scodelario prise au piège dans une bicoque inondée et assiégée par des alligators dans Crawl. Si l’on ajoute à cette liste plutôt exhaustive le fait que le jeune héros de La 9ème vie de Louis Drax se retrouve (en quelque sorte) prisonnier de son propre esprit plongé dans un coma, on comprend assez vite les affinités d’Alexandre Aja pour la figure du huis clos. Hâtivement célébré pour des explosions de violence on ne peut plus graphiques, le cinéaste français est surtout un maître dans la création d’ambiances oppressantes. Chez Aja, monstres, créatures voraces et assassins repoussent les frontières de notre intimité pour nous acculer au pied du mur et nous forcer à riposter. C’est peu dire que le scénario d’Oxygène, où la narration et la dramaturgie vont de pair avec la gestion d’un espace extrêmement restreint (et qui se réduit encore davantage au fur et à mesure que les réserves d’air s’amenuisent), était taillé pour Alexandre Aja.
Seule au monde
Ironie de l’histoire, c’est la pandémie de COVID-19 qui propulse Aja à la réalisation d’Oxygène. À quelques mois d’un tournage déjà planifié, Franck Khalfoun (l’excellent remake de Maniac) cède sans regret son poste à son producteur et ami de longue date. Autres changements de taille, Mélanie Laurent succède à Noomi Rapace qui reste créditée en tant que productrice exécutive et le tournage est relocalisé en France, à Ivry sur Seine. De fait, Oxygène marque le grand retour au bercail du cinéaste, dix-sept ans après le succès d’Haute Tension. Heureux hasard ou décision parfaitement consciente, les deux films partagent d’ailleurs la même quête identitaire (face à elle-même) d’une héroïne en danger de mort constant. Et si Haute Tension fut en son temps un sacré électrochoc pour le cinéma d’horreur français, il est permis d’espérer qu’Oxygène en fasse de même pour la science-fiction, autre genre sinistré dans nos contrées. Croisons les doigts.
Rendons à César ce qui appartient à César, Oxygène tire l’essentiel de sa force d’un scénario hors pair signé de l’américaine Christie LeBlanc. Et cette dernière a beau s’inspirer de façon évidente du Buried de Rodrigo Cortés et Chris Sparling, elle améliore notablement la recette du duo en ouvrant son récit vers l’émotion (la dernière salve de twists vise le cœur autant que l’esprit) et une thématique bien plus large qu’un simple kidnapping dans un contexte terroriste. La mise en scène d’Alexandre Aja (qui n’a pas cherché à « franciser » les noms des personnages) ne se relâche jamais, même lorsqu’elle s’aventure hors de la capsule cryogénique, et scrute intensément le visage d’une Mélanie Laurent qui donne de sa personne dans une prestation courageuse et nuancée.
Difficile d’aller plus loin sans finir par trop en dire sur les tenants et les aboutissants d’un film qui, tourné entre deux confinements, se retrouve à construire des ponts entre un futur incertain et notre présent bouleversé par un insaisissable virus. Sachez seulement qu’Oxygène est une bombe, un thriller virtuose qui manie les paradoxes, entre tunnels anxiogènes et échappées sensibles.