MOON KNIGHT SAISON 1
États-Unis – 2022
Genre : Fantastique
Réalisateur : Mohamed Diab, Justin Benson & Aaron Moorhead
Acteurs : Oscar Isaac, Ethan Hawke, May Calamawi, Karim El Hakim, F. Murray Abraham, Gaspard Ulliel, …
Musique : Hesham Nazih
Durée : 276 min.
Distributeur : Disney +
Date de sortie : 30 mars 2022
LE PITCH
Modeste employé à la boutique de souvenirs d’un musée de Londres, Steven Grant souffre de crises de somnambulisme. Mais lorsqu’il se retrouve poursuivi par les membres d’une secte cherchant à ressusciter une déesse égyptienne, il va comprendre que son corps est en réalité entre les mains du super-héros Moon Knight, bras armé et vengeur du dieu Konshu, …
Au clair de la lune
Cinquième (déjà !) série originale Marvel produite pour la plateforme de streaming Disney +, Moon Knight s’écarte avec bonheur du fan service et des fils narratifs tordus de l’après Endgame pour introduire un nouveau justicier et la mythologie complexe qui l’entoure. Dommage que les belles intentions de cette mini-série portée par le cinéaste égyptien Mohamed Diab et l’acteur Oscar Isaac aient à souffrir de scripts trop gourmands et déséquilibrés.
Personnage secondaire de l’écurie Marvel créé en 1975 par le scénariste Doug Moench (Master Of Kung-Fu) et le dessinateur Don Perlin (Bloodshot), Moon Knight a connu son heure de gloire au début des années 80 dans une série de comics à son nom. Inspiré du Batman de feu Neal Adams, le personnage oscille entre le vigilante nocturne et l’envoyé sur Terre d’une divinité de l’Egypte Antique. Son look plutôt classe de guerrier masqué et encapé aux couleurs de l’astre lunaire et les personnalités multiples de l’homme sous le costume parviennent à lui conférer un semblant d’originalité et à le distinguer in extremis du célèbre détective et justicier de Gotham City.
Les premières rumeurs d’une adaptation du personnage pour le petit écran remontent à 2006 et à l’éphémère série Blade, avec Sticky Fingaz. Le personnage aurait dû apparaître au cours d’une deuxième saison qui – Dieu merci ! – ne vit jamais le jour. Moon Knight réapparaît dix ans plus tard dans les organigrammes des studios Marvel sans que l’on sache si le grand manitou Kevin Feige l’envisage pour le grand écran ou pour rejoindre la poignée de shows en cours sur ABC. L’annonce n’est officialisée qu’en 2019 : Marc Spector, Steven Grant et le dieu Konshu rejoindront le catalogue prometteur des mini-séries Marvel en développement pour Disney +, futur géant du streaming. Covid oblige, la production est retardée et Moon Knight atterrit dans nos salons avec un an et demi de retard et avec la lourde responsabilité de ne pas tomber dans les mêmes pièges que WandaVision, Loki, Falcon & The Winter Soldier et Hawkeye, de luxueuses productions handicapées par une écriture parfois inepte et un fan service plombant.
Double Impact
En dehors d’une courte réplique citant la mégalopole du crime Madripoor, Moon Knight fait le choix payant de se passer de caméos d’un Avengers de passage, d’easter eggs foireux destinés à alimenter des centaines de blogs et de vidéos Youtube ou d’intrigues nécessitant de connaître le MCU sur le bout des doigts. Les six épisodes se suffisent à eux-mêmes et forment un tout cohérant aboutissant sur un twist pouvant justifier une éventuelle seconde saison. Le problème, c’est qu’entre la schizophrénie de son héros, une course au McGuffin entre Londres, les Alpes Bavaroises et Le Caire, une introduction au panthéon des dieux égyptiens, un bad guy et ses adeptes cherchant à éradiquer le Mal sur Terre quitte à recourir à un génocide préventif, une virée dans l’au-delà et dans une dimension parallèle ressemblant à un hôpital psychiatrique et la construction d’un climax où des dieux géants se foutent sur la gueule au pied des pyramides de Gizeh, le scénariste Jeremy Slater (Umbrella Academy) et son équipe ont eu les yeux plus gros que le ventre et limitent au minimum les apparitions de leur super-héros. Ce qui se révèle un peu frustrant mais aussi plutôt bordélique à suivre. Voire carrément énervant lorsque l’on nous ressort le gimmick elliptique des « black outs » dont souffre le héros en pleine baston finale, histoire de nous faire passer pour un rebondissement audacieux une conclusion bâclée et précipitée.
Ce qui ne veut pas dire que le voyage proposé par Moon Knight soit un nouvel échec pour l’univers Marvel sur Disney +. Bien au contraire. Cumulant pas moins de cinq rôles, Oscar Isaac assure le spectacle et fait oublier en un clin d’œil l’agaçant Poe Dameron de la nouvelle trilogie Star Wars. L’acteur développe des personnalités attachantes, drôles, émouvantes et même flippantes lorsqu’il s’agit pour Marc Spector et ses avatars de se salir les mains. Face à la star (et producteur) du show, Ethan Hawke campe un antagoniste crédible et un peu plus fouillé que la moyenne, gourou charismatique cachant de profondes fêlures derrière une apparence souriante et pleine de compassion. On appréciera aussi les références à La Momie de Stephen Sommers et surtout au génial et mal aimé Gods Of Egypt d’Alex Proyas, une direction artistique soignée, un soupçon de violence inattendue, la poésie mémorable d’une manipulation temporelle des astres et une réflexion sur la justice et le déterminisme qui, toutes proportions gardées, renvoie au mindfuck philosophique du Minority Report de Steven Spielberg. Et dire qu’il aurait suffi d’une écriture un peu plus rigoureuse pour que Moon Knight parvienne à s’élever à quelques coudées au-dessus des standards du MCU. Ou en d’autres termes, à décrocher la lune !