MARS EXPRESS
France – 2023
Genre : Science-Fiction, Action, Animation
Réalisateur : Jérémie Périn
Acteurs : Léa Drucker, Daniel Njo Lobé, Marie Bouvet, Sébastien Chassagne, Mathieu Amalric, Usul, Geneviève Doang, Marthe Keller…
Musique : Fred Avril et Philippe Monthaye
Durée : 85 minutes
Distributeur : Gebeka Films
Date de sortie : 22 novembre 2023
LE PITCH
En l’an 2200, Aline Ruby, détective privée obstinée, et Carlos Rivera son partenaire androïde sont embauchés par un riche homme d’affaires afin de capturer sur Terre une célèbre hackeuse. De retour sur Mars, une nouvelle affaire va les conduire à s’aventurer dans les entrailles de Noctis, la capitale martienne, à la recherche de Jun Chow, une étudiante en cybernétique disparue…
Ghost of Mars
Avec Mars Express, le cinéma d’animation et de science-fiction français prend un sacré coup de boost. La promesse d’une œuvre à la fois exigeante et divertissante est largement tenue. Haut la main.
L’association Jérémie Périn et Laurent Sarfati avait déjà fait des étincelles sur la (superbe) série animée Lastman, adaptation des BD non moins géniales de Bastien Vivès et Balak, œuvre heureuse diffusée en 2016, et suivie d’une seconde série d’animation, Crisis Jung en 2018. Avec Mars Express, les deux hommes se lancent dans un projet plus gros, plus exposé et d’emblée plus ambitieux, notamment car il est destiné au cinéma. Après un long processus créatif de près de cinq ans, le film sort finalement sur les écrans français fin 2023 précédé d’une attente forte. Au croisement de la SF et du film noir, à l’image d’un certain Blade Runner avant lui, on y suit une enquête menée par un duo de flics, une humaine alcoolique et son collègue dont l’esprit a été implanté dans un androïde, qui sont à la recherche d’une jeune fille disparue. Progressivement, la mission débouche sur un complot d’une ampleur bien plus importante… L’action se passe à la fois sur une Terre à l’agonie, rongée par le chômage, et sur la planète Mars désormais colonisée. Si l’aura du chef d’œuvre de Ridley Scott plane sur Mars Express, Périn et Sarfati assument les nombreuses influences qui pullulent à l’écran, que ce soit dans les pans de l’intrigue ou au détour d’un détail visuel, convoquant Philippe K. Dick autant qu’Arthur C. Clark, Terminator ou Cronenberg, Polanski, Fridekin et De Palma. Que du caviar ! Des clins d’œil digérés et régurgités avec bon goût, sans trop en faire et qui ne tombent jamais dans le catalogue référentiel imbuvable. Pour autant, il faut reconnaître que le film ne sort pas du lot par la facture de son scénario, globalement très classique dans son déroulé. Cette intrigue relativement attendue, dont on devine les tenants et aboutissants assez rapidement, n’apparaît pas comme le principal atout de l’œuvre, mais bien comme un vecteur pour explorer un univers, créé de toutes pièces, tangible et on ne peut plus crédible. Mars Express s’inscrit ainsi dans le genre de la Hard SF, au contenu pointu mais jamais rébarbatif, et laissant même de la place à l’humour. Par la juxtaposition de petits détails du quotidien de l’an 2200 venant conférer une vraie richesse à la toile de fond, Mars Express est un régal pour les amateurs de SF, de cyberpunk et de films de détectives. Même s’il jongle avec des concepts d’humanisme, de transhumanisme, qu’il questionne la notion d’intelligence artificielle et de conscience des robots, il sait toujours être digest et compréhensible, parfois un peu trop lorsqu’il surexplique certaines notions, une des rares tares que l’on pourra relever à l’encontre du film.
Dynamisme et inventivité
Si le film tient largement la route sur son fond, il emporte littéralement l’adhésion et l’enthousiasme sur le plan de sa forme. Assumant un style graphique déjà employé sur les précédentes œuvres de Jérémie Périn et une animation « à l’économie », loin des standards de (sur)fluidité actuels, Mars Express démontre une personnalité esthétique puissante et riche, et vient valider l’idée qu’un rendu hyperréaliste n’est pas nécessairement un gage de qualité indispensable pour rendre crédible un univers et un récit d’animation. Associant environnements et personnages en combinant 3D et 2D, le film tire surtout partie d’une mise en scène marquante par son dynamisme, qui sait ce qu’elle doit aux classiques de l’anime japonais, Akira et Ghost in the Shell en tête. La réalisation de Jérémie Périn se révèle incroyable et passionnante dans son inventivité permanente, faisant de ses scènes d’action de purs moments d’anthologie, qui vient en remontrer à certains films live du genre. Pour s’achever de manière inattendue dans un maelstrom d’émotions.
Mars Express est l’un des films d’animation pour adultes les plus déments vus depuis longtemps, c’est également l’un des films français, qui plus est de genre, les plus réussis de ces dernières années. Malgré une histoire un peu trop classique et attendue, qui ne surprendra pas réellement les amateurs, c’est une œuvre à la personnalité affirmée, aussi divertissante qu’ébouriffante, intelligente que pertinente, une date pour les amateurs de SF.