LOKI SAISON 2
États-Unis – 2023
Genre : Science-Fiction
Réalisateurs : Justin Benson & Aaron Moorhead, Dan DeLeeuw, Kasra Farahani
Acteurs : Tom Hiddleston, Owen Wilson, Gugu Mbatha-Raw, Wunmi Mosaku, Sophia Di Martino, Jonathan Majors, …
Musique : Natalie Holt
Durée : 6 x 50 min. environ
Distributeur : Disney +
Date de sortie : 10 novembre 2023
LE PITCH
Désormais capable de sauter d’un point à un autre dans le temps, Loki doit sauver le TVA et le Multivers d’une destruction certaine, …
Un glorieux destin ?
Plaisante à suivre mais totalement dépourvue d’une identité propre, d’un sens ou d’enjeux clairs, la première saison des aventures temporelles et multidimensionnelles du Dieu de la Malice avait surtout servi de rampe de lancement pour le personnage de Kang, le nouveau grand méchant du MCU. À défaut de faire avancer le schmilblick (ne serait-ce que d’un pouce) d’un univers étendu qui peine à trouver un nouveau souffle cette seconde salve bénéficie de l’apport créatif du duo Justin Benson / Aaron Moorhead (The Endless), lequel parvient contre toute attente à faire entendre sa jolie voix dissonante.
Au terme de six épisodes pompant sans vergogne les cauchemars bureaucratiques kafkaïens de Brazil et la folie douce d’un Doctor Who, la première saison 1 de Loki nous avait laissé sur un cliffhanger de petit malin. Suite à la mort de Celui Qui Demeure aux mains de son variant féminin, le frère adoptif de Thor atterrissait, désemparé, dans une mouture alternative du TVA, incapable de convaincre ses membres du terrible cataclysme multiversel à venir. Un authentique mindfuck sans queue ni tête auquel le premier épisode de cette seconde saison s’empresse d’apporter un semblant d’ordre, histoire de poser des bases narratives un peu plus « simples » à suivre. Pas de TVA alternatif donc mais un Dieu de la Malice qui rebondit aux quatre coins du passé, du présent et du futur comme une bille de flipper. Avec l’aide d’Orobouros (« O..B. » pour les intimes, rôle confié à un Ke Huy Quan rejouant à dessein sa partition survitaminée d’Everything, Everywhere, All At Once), Loki doit alors maîtriser ses sauts dans le temps pour se lancer sans tarder dans une nouvelle course contre la montre : réparer le Cœur Temporel du TVA, sur le point d’exploser et d’oblitérer dans son sillage toute forme d’existence à travers le temps. Si ce recentrage sur un postulat on ne peut plus classique (désamorcer la bombe avant que ça ne fasse boum!) permet de sauver le public d’une migraine assurée, il ne sauve pas pour autant la série de Michael Waldron de son pêché originel : la vanité. Loki saison 1 ne servait à rien et ne racontait rien et le même constat s’applique peu ou prou à Loki saison 2. Non seulement le protagoniste en titre est à nouveau forcé de se sacrifier pour le bien de tous et pour trouver sa paix intérieure mais on en saura pas beaucoup plus sur Kang, super méchant cosmique qui n’en finit plus d’arriver pour tout détruire mais qui n’arrive en fait jamais. Tout cette énergie dépensée pour se retrouver au même point qu’à la fin d’Endgame.
Les variants et la constante
Faute de parvenir à justifier leur existence au sein du grand bordel interconnecté du MCU, ces six nouveaux épisodes ont au moins le mérite de nous impliquer davantage que les précédents. Remplaçant la réalisatrice Kate Herron (partie, on vous le donne en mille, rejoindre l’équipe de Doctor Who) au pied levé, le duo Justin Benson / Aaron Moorhead accomplit des miracles. De la première saison, seul le caméo tout à fait jouissif de Richard E. Grant en Loki « classique » était parvenu à s’imprimer dans nos mémoires, le reste s’étant évanoui aussitôt le dernier épisode digéré (et roté) comme une canette de Coca. Les réalisateurs et scénaristes de Spring et de The Endless parviennent à imprimer en quelques minutes seulement ce qui fait le plus souvent défaut aux productions Marvel : une personnalité. Jadis purement décoratif, le TVA apparaît sous leur impulsion comme un lieu ayant du vécu, écartelé entre ses éléments réconfortants et la menace que représente ses employés les plus fanatisés. Le résultat d’un travail discret mais saisissant sur les cadres, la lumière et le grain de l’image. En allant chercher du côté de The Fountain, d’Abattoir 5, du meilleur épisode de Lost (« The Constant) et de tout un pan de littérature de science-fiction (K. Dick et Bradbury en tête), de la physique quantique et de la mythologie païenne, Benson et Moorhead parviennent également à élever le débat. Ou, du moins, à en donner l’illusion.
Dans ces conditions, il n’est pas si étonnant que cette seconde saison regorge de scènes marquantes. Qu’il s’agisse d’une course-poursuite dans le Londres de la fin des années 70, d’un génocide à l’échelle du Multivers, de l’apparition flippante et cartoonesque de Miss Minutes lors d’une grande foire nocturne dans le Chicago très steampunk de 1893, de la mise à mort particulièrement sadique (mais hors-champ, faut pas déconner) de membres du TVA dans une prison à géométrie variable, de la disparition silencieuse du temps ou d’un climax spectaculaire, poétique et héroïque, chaque épisode affiche au compteur au moins un morceau de bravoure mémorable qui relance durablement l’intérêt du spectateur. Et l’émotion, portée par une direction d’acteurs toujours juste et le score très solide de Natalie Holt, de ne pas être en reste. Surtout pour le personnage de Mobius M Mobius (Owen Wilson), le seul dont le destin, contemplatif et tragique, semble vraiment justifier l’existence de la série. Quitte à nous faire perdre notre temps, autant s’y prendre avec classe.