LE NOM DE LA ROSE
The Name of the Rose – France, Italie, Allemagne – 1986
Genre : Historique, policier
Réalisateur : Jean-Jacques Annaud
Acteurs : Sean Connery, Christian Slater, Michael Lonsdale, Ron Perlman, F. Murray Abraham, Valentina Vargas, Feodor Chaliapin Jr., Helmut Qualtinger…
Musique : James Horner
Durée : 130 minutes
Distributeur : Les Acacias distribution
Date de sortie : 21 février 2024
LE PITCH
En l’an 1327, dans une abbaye bénédictine du nord de l’Italie, le moine franciscain Guillaume de Baskerville, accompagné du jeune novice Adso, vient enquêter sur des morts mystérieuses qui frappent la confrérie. Le secret semble résider dans la bibliothèque, où le vieux Jorge de Burgos garde jalousement un livre jugé maudit.
Le livre interdit
38 ans après sa sortie, le chef d’œuvre de Jean-Jacques Annaud Le Nom de la rose refait son apparition dans les salles de cinéma avant une édition 4K prévue pour mai. L’occasion de redécouvrir un film qui n’a pas pris une ride dans une magnifique version restaurée.
Pour sa quatrième réalisation, Jean-Jacques Annaud décidait de relever un sacré défi en s’attaquant au chef d’œuvre et best-seller de Umberto Eco, Le Nom de la rose édité en 1980 en Italie. Après l’anticolonialiste La Victoire en chantant, la comédie ironique Coup de tête et la fable préhistorique La Guerre du feu, le cinéaste variait de nouveau les genres en lorgnant ici vers un huis-clos se déroulant dans une abbaye au Moyen-Âge où les meurtres fleurissent à cause d’un livre d’Aristote…Jugée impossible, l’adaptation du livre de Eco passera par pas moins de 17 versions de scénario et un travail de près de trois ans. En effet, alors qu’Annaud a déjà en tête la réalisation de L’ours, la découverte du roman incite l’ancien étudiant en Histoire médiévale et helléniste à abandonner provisoirement son projet (finalement réalisé en 1988) pour mener à bien ce que d’aucuns considèrent comme son plus grand film.
Comme l’annonce le générique, Annaud filme ici à partir d’un palimpseste (terme médiéval pour désigner un parchemin réécrit) du roman. Tout en conservant la trame originale, il révise la structure finale du récit tout en parvenant à un résultat des plus spectaculaires. Le labyrinthe de la bibliothèque, horizontal chez Eco, apparaît ici vertical et peuplé d’escaliers nous plongeant dans une imagerie gothique bienvenue. Les mises au bûcher et le rôle de l’inquisition prennent plus d’importance aussi, tout comme la relation amoureuse entre le moine–narrateur Adso et une paysanne. Force est de constater que grâce à ses modifications, Annaud parvient à donner un souffle épique et émouvant au roman dense et complexe de Eco.
Les trognes du Moyen-Âge
Avec 5 millions d’entrées en France, 6 millions en Allemagne, plus de 4 millions en Italie, plus de 2 millions en Espagne, le film fit finalement un triomphe et le rôle décisif de l’équipe technique est à souligner. Avec Tonino Delli Colli, habituel collaborateur de Sergio Leone, à la photographie et Dante Ferreri, fidèle de Federico Fellini, aux décors, le long-métrage devient un véritable monument. L’incroyable décor de l’abbaye, créé pour l’occasion dans la campagne romaine, demeure l’une des pièces maîtresses de l’œuvre tout comme les superbes images, notamment nocturnes, qui s’intègrent parfaitement dans le montage percutant de Jane Seitz (L’Histoire sans fin). Ce récit initiatique et testamentaire, scandé par une voix off efficace et jamais encombrante, parvient également à rendre une partie des nombreux enjeux véhiculés par le livre, dont le caractère subversif du rire qui abolirait la crainte de Dieu ou de toute autre autorité.
Autre grande réussite du film, le casting international peuplé de trognes incroyables toutes droites sorties d’un tableau de Bruegel imprime la rétine et achève de rendre culte le film. Le duo constitué du débutant Christian Slater et de l’expérimenté Sean Connery (jugé alors ringard mais qui s’adjuger le BAFTA du meilleur acteur grâce au film et enchaînera une fin de carrière réussie) demeure ainsi l’une des grandes réussites du film. L’humour ironique de Connery couplée à la candeur de Slater nous offre un couple digne des meilleurs Buddy-Movie. Parmi les tronches incroyables qui peuplent le film, citons le seul français de l’étape, Michael Lonsdale, l’épouvantable F Murray Abraham en inquisiteur passionné (qui selon les dires d’Annaud l’était aussi sur le tournage), le « sosie » de François Hadji-Lazaro, Michael Habeck, dans un rôle muet mais mémorable… Sans oublier, l’une des révélations du film, déjà découvert par Annaud sur La Guerre du feu, avec un Ron Perlman inoubliable en moine bossu, parlant « toutes les langues et aucune ». Quant à Valentina Vargas (seule femme du film), elle nous offre, en compagnie d’un Christian Slater tombé amoureux durant le tournage, une scène d’amour incandescente.
La ressortie du film, César du meilleur film étranger en 1987, en version 4K est donc un petit miracle (le film reste invisible dans de nombreux pays à cause de problèmes de droits) qu’il ne faut pas manquer. Avec une Bande Originale de James Horner, créée avec des sons d’époque, retravaillée et spatialisée, et une image, qui de l’aveu d’Annaud « correspond à ce que je voyais sur le plateau », Le Nom de la rose n’a sans doute jamais été aussi beau.