LA PLANÈTE DES SINGES : LE NOUVEAU ROYAUME
Kingdom of the Planet of the Apes – Etats-Unis – 2024
Genre : Science-Fiction
Réalisateur : Wess Ball
Acteurs : Owen Teague, Freya Allan, Peter Macon, Kevin Durand, Eka Darville, Travis Jeffery…
Musique : John Paesano
Durée : 145 minutes
Distributeur : 20th Century Studios
Date de sortie : 08 mai 2024
LE PITCH
Plusieurs générations après le règne de César, les singes ont définitivement pris le pouvoir. Les humains, quant à eux, ont régressé à l’état sauvage et vivent en retrait. Alors qu’un nouveau chef tyrannique construit peu à peu son empire, un jeune singe entreprend un périlleux voyage qui l’amènera à questionner tout ce qu’il sait du passé et à faire des choix qui définiront l’avenir des singes et des humains…
Nouvelle ère
L’arrivée des blockbusters estivaux va commencer à envahir les écrans évinçant semaine après semaine « l’évènement cinématographique » des jours précédents. La Planète des singes : Le nouveau royaume est l’un des premiers à affronter cette période chargée et il y a fort à parier qu’il sera l’un des plus intéressants de l’été. Un grand spectacle intelligent non dénué d’âme avec un zeste de réflexion pour qui voudra bien y consacrer quelques neurones.
L’héritage de Pierre Boulle n’a pas fini de faire parler de lui. L’auteur du Pont de la rivière Kwai (adapté par David Lean en 1957) est surtout connu pour nombre d’entre nous comme l’écrivain de La Planète des singes. Si l’adaptation la plus fidèle est sans conteste celle de Tim Burton réalisée en 2001, elle n’est en revanche pas la plus réussie. L’imaginaire reste frappé par la version hallucinante que réalisa Franklin J. Schaffner avec Charlton Heston dans le rôle principal où son final imparable est gravé dans la conscience collective. 55 ans plus tard, le film n’a pas pris une ride et les maquillages simiesques de John Chambers sont toujours un exemple de maîtrise et de réalisme. La thématique est riche et Pierre Boulle sous couvert de science-fiction interroge le monde sur sa propre déchéance. L’auteur a combattu durant la seconde guerre mondiale et s’il en a retiré la médaille de la croix de guerre, il a surtout développé un certain cynisme sur ses semblables. Une série télé et dix films plus tard, la saga méritait-elle une nouvelle incursion cinématographique ? Rares sont les exemples de films où la thématique arrive à se renouveler avec autant de brio. Si les années soixante ont vu des suites affluer de moindre qualité mais avec des sujets toujours intéressants, le nouveau millénaire a pris le contre-pied en réinventant la saga avec intelligence. La source de l’histoire prend forme en connexion directe avec notre monde actuel comme peut le faire une série à la Black Mirror. En découle une trilogie alliant grand spectacle et réflexion sur notre humanité en voie de disparition.
Démarquage
L’action de ce Nouveau royaume se passe 300 ans après les évènements de La Planète des singes : Suprématie (dernier opus à être sorti sur nos écrans). Ce nouveau chapitre n’est pourtant pas à appréhender comme une suite directe et encore moins comme un reboot. Cette planète des singes s’apparente plus à nouveau départ même si des connexions sont présentes. Le sujet inversé des singes prenant le contrôle de la planète est si vaste scénaristiquement qu’il est loin d’être redondant. Wes Ball, réalisateur de la saga Labyrinthe, l’a bien compris en envisageant son long métrage avec une approche singulière. Il prend le parti de centrer son histoire dans le royaume simiesque. Le spectateur plonge d’emblée dans leur monde, les suit dans leur pérégrination, leurs coutumes, vie communautaire faisant quasiment abstraction de l’espèce humaine une heure durant. Nous sommes plongés dans un univers où la production design s’en est donnée à cœur joie pour nous happer. Il ne faut pas longtemps pour oublier la performance capture de plus en plus convaincante. La caméra virevolte en compagnie des singes, s’efface dans les scènes plus dramatiques, s’attarde (parfois plus que de raison) sur leurs parcours. L’arrivée de l’homme (finalement secondaire) débarque véritablement lors d’un deuxième acte plus en phase avec la saga d’origine. Là encore, le film surprend en allant sur des chemins non exploités par les films précédents. Il s’aventure sur des sentiers dangereux narrativement, menant son road movie simiesque vers un épilogue risqué mais couillu. Le réalisateur arrive à embarquer les différentes générations de spectateurs qui ont découvert la saga au gré des décennies. Il sait ce qu’il doit à ses aînés. Même la composition de John Paesano s’offre un hommage à l’emblématique composition de Jerry Goldsmith pour le film original. Le film n’explique pas tout, certains personnages manquent d’épaisseur ou tout simplement d’explication (au hasard William Macy). Mais le spectacle tient la route malgré certains évènements à la cohérence précipité. L’on comprend bien que le metteur en scène est plus intéressé par ces singes que par les hommes. On peut le comprendre.
Wes Ball ne veut pas s’imposer comme un révolutionnaire de la saga. Il est conscient de son passif et l’approche avec respect. Si l’on est en droit de préférer sa première partie plus inclusive, le film reste d’une belle cohérence. Il continue d’explorer et d’interroger le public sur les penchants et les éternels travers de l’humanité. L’homme n’apprendra jamais de ses erreurs, tout n’est qu’un éternel recommencement. Tout ? Non ! La planète des singes, elle, a réussi à se renouveler.