L’ÉTRANGE CRÉATURE DU LAC NOIR 3D
Creature From The Black Lagoon – Etats-Unis – 1954
Genre : Épouvante, fantastique
Réalisateur : Jack Arnold
Acteurs : Richard Carlson, Julie Adams, Antonio Moreno, Richard Denning, Nestor Paiva…
Musique : Henry Mancini, Hans J. Salte, Herman Stein
Durée : 79 minutes
Distributeur : Carlotta Films
Date de sortie : 07 novembre 2012
LE PITCH
Au cœur de l’Amazonie, un paléontologue découvre un fossile de main appartenant à une espèce inconnue. Persuadé qu’il s’agit du chaînon manquant entre l’homme et le poisson, il rassemble une expédition pour exhumer le reste du squelette. L’équipe décide alors de descendre le fleuve en bateau, s’enfonçant dans un territoire sauvage et poisseux, sans se douter que les eaux abritent encore l’étrange créature…
Créature hybride
Carlotta, dans sa grande sagesse, décide de ressortir le chef d’œuvre de Jack Arnold sur grand écran et en 3D, dans une copie totalement restaurée. L’occasion pour le grand public de (re)découvrir ce chef d’œuvre quelque peu oublié dans des conditions inégalées.
Sorti au début des années 1950 ce classique du mythique studio Universal a su marquer l’esprit du public de l’époque grâce à son cadre, sa forme, mais aussi et surtout son monstre. Véritable œuvre hybride, le film de Jack Arnold est un pur produit de son époque, symptomatique des bouleversements formels subit par le cinéma hollywoodien à l’orée des années 1950. En effet, à une époque où la télévision envahie de plus en plus les foyers et où le technicolor se démocratise, l’immortel studio Universal se doit d’offrir à un public avide de sensations un spectacle digne des productions hollywoodiennes à succès et ce grâce au dépaysement que procure cette fantastique histoire articulée autour d’une aventure épique capable de contenter les spectateurs avide d’aventure, tout en conservant l’identité fantastique du studio avec ce monstre marin tout droit sorti de l’imaginaire lovecraftien et qui, comme toute créature de l’auteur, distille une aura de rêverie cauchemardesque.
Voyage Fantastique
Et d’ailleurs, dans L’Étrange Créature du Lac Noir, comme dans de nombreuses œuvres de Jack Arnold, c’est avant tout de rêves dont il est question. Au cœur de paysages des origines (« rien ici n’a changé depuis les origines » dit le professeur à l’héroïne), le réalisateur de l’Homme qui rétrécit fait de cette aventure une lente plongée vers un monde onirique. Jouant beaucoup sur des cadrages en profondeur de champ, ainsi que sur la représentation esthétique de frontières visuelles à travers la segmentation du décor, tout dans cette histoire n’est qu’affaire de passage d’un monde à un autre et, comme toujours dans les films de la Universal, d’amour impossible, comme l’illustre cette magnifique séquence où la créature tente de toucher la nageuse sans véritablement oser. On comprend alors pourquoi ce film a gagné son statut de classique du fantastique et à autant inspiré des cinéastes contemporains tels que Guillermo Del Toro qui fondent autant leurs esthétiques sur le rapport à la monstruosité que sur la frontière qui sépare réalisme et onirisme. Plus qu’un simple gadget, la 3D de L’Étrange Créature du Lac Noir, comme celle des Météores de la nuit connu pour avoir terrorisé bon nombre de spectateur lors de sa sortie salle (dont John Carpenter enfant à l’époque), a été véritablement pensée pour servir l’esthétique et les thématiques de cette lente immersion vers un monde fantastique et d’y plonger également le spectateur, comme l’illustre par exemple cette séquence incroyable où, avant de partir à l’aventure les scientifiques discutent devant un aquarium ou défile des créatures marines disproportionnées, programme à venir qui peu à peu quitte le second plan pour envahir le cadre.
Évolution en trois dimensions
Tourné à l’aide d’appareils colossaux, surtout pour les séquences sous-marines, L’Étrange Créature du lac noir a bénéficié de techniques de tournage absolument incroyable. Malheureusement, trop en avance sur son temps Jack Arnold a réalisé un film beaucoup trop difficile à porter convenablement sur grands écrans, dans des salles à l’époque dépourvues de lunettes polarisées, comme c’est le cas aujourd’hui et pour lesquelles le film avait été pensé. Suivi d’un échec commercial, le film tombe peu à peu dans l’oubli sauf pour quelques fans qui voient en ce film un chainon de l’évolution technique du 7ème art. Le film repasse alors en France de nombreuses années plus tard à la télévision, en partenariat avec les programmes télé qui offrent avec le numéro de la semaine des lunettes polarisées afin de profiter pleinement du spectacle, inscrivant ainsi une bonne fois pour toute le film dans le panthéon des classiques fantastiques de la Universal. Toutefois, ce n’est véritablement qu’aujourd’hui, grâce à Carlotta que l’on peut se rendre compte de l’héritage laissé par Jack Arnold. Grâce à une copie restaurée absolument somptueuse, rendant hommage à la photographie très subtile de William E. Snyder, à ses contrastes inquiétants, ainsi qu’au portage 3D numérique sublimant le travail en profondeur de Jack Arnold, on prend alors conscience du statut de précurseur de ce cinéaste, dont le film de 1954, s’avère plus impressionnant que la plupart des films 3D actuels et ce en offrant une profondeur de champ absolument incroyable. Seul bémol les effets de premiers plans souvent flous que l’on oubli toutefois très vite une fois plongé dans l’aventure.