Gran Turismo se débarrasse de ce carcan pour proposer une approche que peu de jeux vidéo peuvent se vanter, celui de l’histoire vraie. Aussi incroyable que cela puisse paraître, le groupe Nissan lança un énorme concours international auprès des joueurs du monde entier pour rejoindre leur écurie automobile officielle sous le nom de la Nissan GT Academy. Ce que beaucoup pouvaient prendre pour un canular marketing de haut vol se voient obtenir une invitation à concourir on-line une compétition de grande envergure. 90,000 participants pour peu d’élus. Gran Turismo conte l’expérience vécue par Jann Mardenborough, qui va voir passer sa vie du rêve à la réalité lors de l’année 2011 alors qu’il est tout juste âgé de vingt ans. Si le jeunot risque gros en passant de sa chambre douillette, joystick en main à la vie réelle pieds au plancher, le groupe Nissan a des enjeux bien plus colossaux, semblables à un coup de poker. Transformer une équipe de geeks en pilotes de grand prix, c’est devenir la risée des circuits et de la profession. Et ça se comprend.

L’histoire d’une vie, l’histoire d’un film

Gran Turismo, le jeu, est une manne pour le studio Polyphony digital. Vendu à plus de quatre-vingt-dix millions d’exemplaires de par le monde ; il attire forcément l’attention avide des producteurs de cinéma. L’optique de prendre l’histoire de Jann Mardenborough est un scénario clef en mains. 2013 devait être l’année de cette consécration sous la houlette de Kevin Spacey à la production et du réalisateur Joseph Kosinski derrière la caméra. Le sujet capote pour devenir une réalité dix ans plus tard ; ce n’est pas un mal vu le parcours du protagoniste. L’équipe change et l’histoire s’étoffe. Mardenborough a depuis fait carrière et vécu des expériences aussi cinématographiques que dramatiques. L’acteur aperçu dans Midsommar, Archie Madekwe prend les traits de Jann qui l’adoube en le coachant et le doublant dans les cascades que nécessite le film. Il partage l’affiche avec un beau casting comprenant David Harbour, Orlando Bloom et Djimon Hounsou. Après ses projets avortés sur les sagas Alien et Robocop, le réalisateur sud-africain Neil Blomkamp est en mal de projets intéressants. Hormis des courts métrages plutôt de bonne facture et son triste Demonic tourné pendant le Covid, il est en mal de filmer. Plutôt que de se lamenter sur son sort à en attraper des boutons de fièvre, il accepte la commande de Sony pour prendre en main la mise en scène de Gran Turismo.

Il n’en bâcle pas le film pour autant et sait se montrer inventif lorsqu’il le faut. Les courses, point névralgique du film ne sont jamais ennuyeuses et répétitives. Il arrive à filmer les courses dans les bornes d’arcade comme si elles se déroulaient dans la réalité pour inverser au moment opportun la perspective lors des vraies compétitions sur circuits. Les courses sont lisibles et l’emploi de drones et de caméra à fleur de bitume exprime bien la sensation de vitesse. Si le tournage principal se boucle en cinq semaines, un gros travail se fait en post production pour modéliser les circuits à l’identique comme les concepteurs l’ont fait eux-mêmes pour les jeux. Les rapports jeu/réalité n’ont jamais été si proches.

Il est intéressant de voir la réalité dépasser la fiction, c’est sûr que Resident Evil, Mario et Sonic ne peuvent pas rivaliser sur le sujet. Le coup de poker de Nissan s’est montré gagnant et la Playstation de Sony s’offre un placement de produit de premier ordre. Avec cinq fois moins de budget, Gran Turismo aurait eu la légitimité de doubler l’affligeant Fast X sorti à la même période.