FULL RIVER RED
满江红 – Chine – 2023
Genre : Historique
Réalisateur : Zhang Yimou
Acteurs : Teng Shen, Jackson Yee, Zhang Yi, Jiayin Lei, Yunpeng Yue, Binlong Pan, Jiayi Wang…
Musique : Hong Han
Durée : 157 minutes
Distributeur : Carlotta Films
Date de sortie : 31 juillet 2024
LE PITCH
Chine, XIIe siècle. Dans quelques heures va se tenir une rencontre diplomatique de la plus haute importance entre Qin Hui, chancelier de la dynastie Song, et une délégation Jin de haut niveau. Or voilà que le diplomate Jin dépêché sur place est assassiné et la lettre destinée à l’Empereur dérobée. Le Chancelier demande alors au caporal Zhang Da, escorté par le commandant en second Sun Jun, de ramener la précieuse missive avant le lever du soleil. Au fil de leurs recherches, des alliances vont se former et des secrets seront révélés…
Héros national
Zhang Yimou fait partie de ces cinéastes qui représentent pleinement le patrimoine cinématographique chinois. Il est un peu le garant d’un savoir-faire asiatique, une caution représentative d’un pays. Un peu comme un François Truffaut a pu l’être pour la France. Du cinéma de qualité, facilement identifiable et exportable dans le monde entier.
Le dicton dit que c’est dans les vieux pots que l’on fait la meilleure soupe. Pour son dernier film, le réalisateur chinois s’est inspiré d’un célèbre poème national au doux nom de Man Jiang Hong. Il s’agit d’un écrit guerrier millénaire qui se transmet de génération en génération comme notre Marseillaise. Un hymne que tout chinois a dû entendre et dont beaucoup ont dû voir en salles puisque Full River Red a engrangé plus de six cents millions de dollars au box-office local (la rumeur veut que les chiffres au box-office local aient été gonflés). Soit le plus gros succès dans sa contrée pour Zhang Yimou. Nationaliste, le film est largement soutenu par le régime ; mais pour le cinéaste (contrairement à beaucoup de ses confrères victimes de la rétrocession), celui-ci a toujours été plus porté sur la Chine continentale que sur Hong-Kong. Déjà, à ses débuts Le Sorgho rouge ou Épouses et concubines portaient le regard dans cette direction. La polémique, s’il y a, avait déjà eu cours à la sortie de son film Héros avant d’être adoubé par le prestigieux Quentin Tarantino. Mais pour Yimou, ce qui prime n’est pas le contexte politique, mais le film lui-même. L’emballage a plus d’intérêt que son contenu. Ça se sent à la maîtrise visuelle en guise d’enveloppe pour sa mise en scène.
Le secret de la cité interdite
Comme il nous en a donné l’habitude depuis son Héro, Zhang Yimou est devenu un esthète dans l’art graphique. Il sait où placer sa caméra et comment articuler ses acteurs dans la composition de son cadre. Son plan d’ouverture donne le « La ». Sa caméra se veut aérienne, elle suit en plongée un groupe de soldats dans les dédales d’une cité. Tout est millimétré. L’action pourrait être un huis clos. Elle est intégralement centrée dans la labyrinthique ville du premier ministre. Ruelles étroites, pièces oppressantes, la narration se fait quasi en temps réel. Un complot à élucider, des trahisons à éviter, une lettre à trouver, des crimes mystérieux, l’âme d’Agatha Christie plane sur cette cité où les secrets sont interdits. Les couleurs du Secret des poignards volants sont ici devenues monochromes. L’action va de rebondissements en rebondissements, complexes comme les dédales des lieux. L’on peut s’y perdre, sentir les 160 minutes du métrage nous peser à force de coups de théâtre répétitifs ; mais la mise en scène sait nous garder en alerte avec des partis pris audacieux. Certains choix surprennent ; comme ce rap moderne chinois rythmant chaque passage de séquences comme autant d’interludes narratifs. D’autres, sont plus convaincants. Au plus les nœuds du complot se dénouent, au plus les couleurs réinvestissent la pellicule comme le matin et le soleil précédent la nuit et la lune.
Zhang Yimou a pensé son film et ça se voit. Si la navigation en eaux troubles au sein du Palais peut finir par lasser, voir le cinéaste en pleine possession de ses moyens filmiques reste une belle récompense. Ce que beaucoup de cinéastes ne peuvent se prévaloir au fil du temps.