DUNE : DEUXIÈME PARTIE
Etats-Unis – 2024
Genre : Science-Fiction
Réalisateur : Denis Villeneuve
Acteurs : Thimothée Chalamet, Zendaya, Rebecca Fergusson, Christopher Walken, Javier Bardem, Austin Butler, Josh Brolin, Florence Pugh, Dave Bautista, Léa Seydoux, Stellan Skarsgard,, Charlotte Rampling…
Musique : Hans Zimmer
Durée : 165 minutes
Distributer : Warner Bros.
Date de sortie : 28 février 2024
LE PITCH
Paul Atreides s’unit à Chani et aux Fremen pour mener la révolte contre ceux qui ont anéantit sa famille. Hanté par de sombres prémonitions, il se trouve confronté au plus grand des dilemmes : choisir entre l’amour de sa vie et le destin de l’univers.
Le Messie
Longue, trop longue fut l’attente.
Combien de fois avons-nous entendu des termes comme « le film de l’année », « l’évènement cinématographique tant attendu », … Expression galvaudée aux airs de marketing abusifs. Les plus vieux d’entre nous se rappelleront l’excitation de retrouver l’univers de Star Wars après 16 ans de patience entre le Retour du Jedi et la Menace Fantôme et ces picotements dans le ventre au moment où les lumières s’éteignent et la projection commence. Si le laps de temps est moindre, voilà à quoi nous sommes confrontés une fois de plus pour notre plus grand bonheur ; un acte d’amour du septième art pour son spectateur.
Le miracle peut-il se reproduire une seconde fois ? Denis Villeneuve a frappé très fort avec son premier Opus de Dune. Il a su réunir les publics sur un genre bien trop souvent méprisé par l’intelligentsia. La science-fiction est devenue respectable et respectée. Sans trahir l’œuvre avant-gardiste de Frank Herbert, il conserve son intégrité de metteur en scène en insufflant l’alchimie parfaite entre l’épaisseur de ses personnages, sa gestion de l’espace et des décors tout en respectant le cahier des charges d’une production de grande ampleur. Le résultat est (presque) unanime et sans équivoque : Dune est un chef-d’œuvre, la fusion parfaite entre une épopée à la Lawrence d’Arabie, le space opéra de Star Wars et le drame shakespearien. Oui, l’attente fut longue et les espoirs énormes, l’heure du bilan sur cette deuxième partie peut tomber. Enfin.
La destinée
Il faut déjà saluer le courage de Warner de laisser les mains libres à son réalisateur Denis Villeneuve. Comme pour le premier volet, celui-ci ne fait aucune concession pour maintenir le respect de l’œuvre de Frank Herbert. Le studio sent bien le potentiel de la licence. Si le premier a bien marché, il n’a en revanche pas explosé le box-office. A qui la faute ? Pas au metteur en scène ni au film en tout cas. Repoussé à cause du Covid, Dune fait les frais de la nouvelle stratégie hasardeuse du studio consistant à sortir leurs blockbusters simultanément au cinéma et sur leur plateforme de streaming. La décision ampute logiquement les entrées salles et provoque incompréhensions et colères des metteurs en scène concernés. Nolan, fervent défenseur des salles de cinéma, en a fait les frais avec Tenet. Résultat des courses, il quitte Warner pour tourner Oppenheimer à la concurrence privant le studio d’une manne de dollars, de critiques élogieuses et potentiellement d’Oscars. Inimaginable pour eux de réitérer l’erreur avec Denis Villeneuve, nouvelle poule aux œufs d’or. Le canadien peut donc mener sa barque comme il le désire et surtout sans trahir son sujet. Si le premier tome s’attardait sur l’intime des personnages écrasés par le gigantisme des décors, ce second voit ces deux éléments faire corps vers une destinée qui les dépasse.
L’accomplissement
Le film, tout comme le roman, fait un avec l’actualité. Sans dévoiler l’intrigue en profondeur, les sujets abordés sont applicables en tout temps. L’oppression, le fanatisme religieux, l’aveuglement, le Jihad… Denis Villeneuve sait bien que le terrain peut être glissant. Aussi complexe soit-il, son arc narratif est ciselé au cordeau. Aucun de ses multiples personnages n’est sacrifié sur la table de montage. Villeneuve prend son temps sans jamais lasser. Sa précision du détail est telle qu’elle passe inaperçue. La direction d’acteurs, l’amplitude de sa mise en scène, son sens du cadrage tout comme le soin apporté aux sons forment un grand tout immersif. Si aucun doute n’était permis à la vision du premier volet, Timothée Chalamet prouve qu’il ne peut y avoir d’autres Paul Atreides. Nuancé, aussi arrogant que fragile, rongé par le doute, son rôle évolue touche après touche vers la destinée hors norme qu’Herbert lui a écrit. Rebecca Fergusson voit son rôle s’épaissir vers la maturité mystique avec bonheur, Javier Bardem donne à sa carrure imposante toute la fragilité de ses espoirs… Nous pourrions parler des autres acteurs comme Josh Brolin ou Dave Bautista, mais nous risquerons de faire des jaloux. Revenons tout de même à la cerise sur le gâteau de retrouver le temps de quelques scènes l’immense Christopher Walken. Qui d’autre que lui aurait pu interpréter l’Empereur ? Il a cette présence magnétique et inquiétante qui impose le respect sans perdre en rien de sa constance.
La mise en scène est étudiée, chaque planète à sa propre ambiance. Autant le premier film s’appuyait volontiers sur des couleurs froides, autant celui-ci évolue sur des teintes plus contrastées. Plus la destinée de Paul évolue, plus il se retrouve en lumière, et plus la chaleur du désert se fait présente, plus il se soumet à son destin. Sensation inexorable de perdre pied dans le tourbillon de la folie des sables où les tempêtes nous empêchent de voir distinctement le chemin du soleil. Chaque scène à son importance, chaque grain de sable sa place. Les effets spéciaux sont là pour servir l’histoire et non l’inverse tout en assurant le spectacle. Du grand art.
Le metteur en scène et son équipe sèment des indices, posent des questions ; autant de points d’entrée à aborder dans un troisième volet qui semble inévitable. Pas par aspect commercial, mais par impression vitale. Les personnages comme le spectateur ne peuvent en rester là. Dune partie deux, serait un trait d’union de luxe d’une trilogie, comme l’Empire contre-attaque a pu l’être en son temps, ou essayez d’imaginer Les Deux tours sans son Retour du roi ; impossible. Les deux films Dune forment le premier roman fleuve de Frank Herbert ; Le Messie de Dune écrit peu de temps après, sa conclusion. S’il n’est pas encore prévu au planning, Denis Villeneuve l’envisage sérieusement ; mais il a déjà prévenu qu’il prendrait son temps pour ne pas céder à la précipitation afin de ne pas bâcler le travail d’écriture. Un homme sage en plus d’être un artiste talentueux.
L’attente va être longue, très longue.