DUNE
Dune : Part One – Etats-Unis, Canada – 2021
Genre : Science-Fiction, Space Opera
Réalisateur : Denis Villeneuve
Acteurs : Josh Brolin, Stellan Skarsgård, Oscar Isaac, Javier Bardem, Charlotte Rampling, Jason Momoa, Rebecca Ferguson, Zendaya, Thimothée Chalamet, Dave Bautista…
Musique : Hans Zimmer
Durée : 155 minutes
Distributeur : Warner Bros.
Date de sortie : 15 septembre 2021
LE PITCH
L’histoire de Paul Atreides, jeune homme aussi doué que brillant, voué à connaître un destin hors du commun qui le dépasse totalement. Car s’il veut préserver l’avenir de sa famille et de son peuple, il devra se rendre sur la planète la plus dangereuse de l’univers – la seule à même de fournir la ressource la plus précieuse au monde, capable de décupler la puissance de l’humanité. Tandis que des forces maléfiques se disputent le contrôle de cette planète, seuls ceux qui parviennent à dominer leur peur pourront survivre…
Enfants de Dune
Inadaptable, trop intense, compliqué, trop touffu, l’œuvre de Frank Herbert a fait fantasmer nombre de lecteurs et épuisé nombre de scénaristes. Si cette version n’est pas la première à voir le jour, elle est certainement celle faite avec le plus d’ambition et d’amour.
La saga Dune est la fondation d’un monde-univers aux multiples entrées. Il y est question de pouvoir, d’ambitions, de trahisons, de religion, de jihad et d’écologie. Une allégorie futuriste pour parler du monde d’aujourd’hui.
Denis Villeneuve ne s’est jamais caché de l’intérêt qu’il portait à la saga. Seulement, le petit canadien allait devoir attendre des décennies avant de pouvoir s’attaquer à un tel projet. Exactement le temps pour lui de faire son trou, de séduire petit à petit les critiques comme le public. Personne n’aurait pu prédire qu’en adaptant la pièce de théâtre Incendies en 2010 il allait exploser sur la scène internationale. Celle des festivals dans un premier temps puis du public ensuite rapidement conquis par la teneur psychologique de ses films. Bien malin celui qui aurait pu prévoir à l’époque que le monsieur allait une décennie plus tard s’imposer dans un univers aussi distant que celui de la Science-fiction. Se faisant une spécialité de l’exploration de l’âme humaine, le réalisateur a cette facilité à impliquer le spectateur dans ses films sans en avoir l’air. Le questionnement sur les origines dans Incendies, la paternité et l’acte viscéral de la préserver dans Prisoners, l’exploration de l’autre via son Premier contact, autant de thématiques abordées qui ne sont pas si éloignées des romans d’Herbert, l’auteur de Dune. L’ampleur de la tâche ne l’impressionne pas. Celui qui a eu le courage de relever le défi de donner une suite au cultissime Blade Runner de Ridley Scott est devenu rapidement l’homme de la situation.
Faire entendre la voix
Pour beaucoup (ou tout au moins pour les spectateurs qui ne se sont pas plongés dans les méandres des romans), Dune n’est qu’un film de David Lynch. Classique pour certains, nanar pour beaucoup, cette version bâtarde est victime de ses ambitions et de ses problèmes de développement. L’auteur de Mulholland Drive s’est vu catapulté sur ce projet par le magnat De Laurentiis sans en avoir réellement la mainmise. Résultat : un film handicapé, boursouflé où le meilleur est capable de côtoyer le pire même si un charme certain s’en dégage.
Denis Villeneuve malgré les résultats financiers en demi-teinte de Blade Runner 2048 a su s’attirer les grâces de la Warner. Seul major à accorder une certaine liberté aux auteurs, le studio est en mal de licences fortes après les Harry Potter, Twilight et cie. En cas de succès, Villeneuve a la garantie de pouvoir prolonger sa vision. Seul capitaine à bord, il a les coudées franches pour imposer scénario, équipe et casting. Timothée Chalamet s’impose dans le rôle- clé de Paul Atreides, le futur Kwisatz Haderach, l’élu, nouveau messie d’un peuple tyrannisé. La révélation de Call me by your name a cette jeunesse, cette arrogance fleurant l’antipathie si proche de son personnage. Le reste du casting, d’Oscar Isaac (Duc Leto) à Rebecca Ferguson (Lady Jessica) en passant par Jason Momoa et Stellan Skarsgard sont au diapason. Ils donnent vie à leur personnage même si certains auraient mérité d’être un tant soit plus développé. Difficile de condenser un roman si dense où de nombreux personnages interfèrent les uns avec les autres. Les complots et enjeux politiques, artères majeures de la narration sont habilement adaptés par Villeneuve et son équipe. Des sacrifices sont logiquement nécessaires mais la fidélité est là. Le néophyte peut embarquer dans cet univers sans être bousculé pour autant. Les aficionados quant à eux regretteront sûrement un développement plus profond des personnages (notamment dans les relations si profondes dans le roman entre le duc et son épouse), tout n’est pas parfait mais à ce niveau de complexité on touche au miraculeux. A l’instar d’un Seigneur des anneaux, l’adaptation est prodigieuse et les 155 minutes de film (qui ne représentent que la première partie du livre) passent avec une fluidité déconcertante. On en redemande et ce goût de trop peu nous fait fantasmer à une version longue que Denis Villeneuve n’envisage malheureusement pas.
Sables mouvants
Dune s’impose dans bien des domaines. Outre l’écriture, l’aspect visuel du film s’avère primordial. Le travail de Production Design de Patrice Vermette (collaborateur de Villeneuve depuis Prisoners) et du directeur de la photo de Rogue One, Greig Fraser, font ici merveille. La démesure des vaisseaux, des décors et de la nature sont en contraste total avec les personnages qui semblent écrasés par eux comme autant d’obstacles face aux prémices de leur destin en devenir. Ce que le film perd philosophiquement des écrits d’Herbert, il le gagne visuellement. L’action est toujours lisible, faussement formaliste et d’une ampleur indéniable. L’univers prend vie à l’écran. Et ce n’est pas tout ; impossible de ne pas évoquer la partition de Hans Zimmer. Elle fait corps avec l’image, fait partie intégrante du film. Le compositeur n’avait pas été aussi inspiré depuis Interstellar. Épique comme intimiste passant allègrement d’ambiances métalliques à des chœurs mystiques, il plonge l’auditeur dans les méandres de ce monde complexe et inconnu.
Le plaisir serait total s’il n’était pas contrarié par sa toute dernière partie. Moins au diapason scénaristiquement et visuellement. Non pas que celle-ci soit loupée, loin de là, mais plus par un sentiment qu’il faut conclure cette première partie. Le film s’achève sur un moment pivot qui redéfinit l’avenir même de son héros et l’avenir de l’univers. Rien que ça. Que l’on connaisse ou non les enjeux, on peut être en droit de trouver cette partie soit trop longue, soit trop courte selon de quel côté de la barrière l’on se trouve. La faute n’en revient pas forcément au metteur en scène. Tant d’espoirs sont portés sur l’avenir de Dune au box-office que Warner a eu recours aux projections tests en proposant aux spectateurs deux fins différentes. Ceci explique sûrement ce tâtonnement final.
Beaucoup de superlatifs sont évoqués à propos de ce film. Le renouveau de la science-fiction dit « intelligente » est bien là. L’attente fut longue et les espoirs immenses. Nombre d’image imprime durablement la rétine et l’imaginaire. Villeneuve a réussi son pari. Et si c’était lui le Kwisatz Haderach ?