DRIVE-AWAY DOLLS
États-Unis – 2024
Genre : Comédie, Thriller
Réalisateur : Ethan Cohen
Acteurs : Margaret Qualley, Geraldine Viswanathan, Beanie Feldstein, Colman Domingo, Joey Slotnick, Bill Camp, Matt Damon, Pedro Pascal, Miley Cyrus…
Musique : Carter Burwell
Durée : 94 minutes
Distributeur : Universal Pictures France
Date de sortie : 3 avril 2024
LE PITCH
Jamie et Marian, deux amies lesbiennes avec un grand besoin d’échapper à leur quotidien, louent gratuitement une voiture dans un Auto DriveAway, pour se rendre à Tallahassee, sans se douter que leur véhicule contient une mallette très convoitée par un groupe de criminels dangereux, mais surtout incompétents.
Un Road Trip Psychédélique
Jamie et Marian, deux amies lesbiennes avec un grand besoin d’échapper à leur quotidien, louent gratuitement une voiture dans un Auto DriveAway, pour se rendre à Tallahassee, sans se douter que leur véhicule contient une mallette très convoitée par un groupe de criminels dangereux, mais surtout incompétents.
Bien que le film reste une comédie, Drive-Away Dolls souffrira de la comparaison avec tous ces films road trip au féminin réalisés avant lui, du cultissime Thelma et Louise à l’histoire d’amour lesbien Desert Hearts, mais sans être à la hauteur de ces deux chefs-d’œuvre. Il est également le dernier film en date d’un frère Cohen produit par Working Title Films, succédant difficilement aux mythiques Fargo, ou The Big Lebowski, entre autres. Il est évidemment toujours difficile de juger une comédie, car les sensibilités rentrent toujours en jeu, néanmoins le film semble cependant souffrir d’un humour parfois facile, et souvent très lourd dans son exécution. Le fait de ne pas réserver cet humour ‘franchouillard’ aux hommes et décider de l’appliquer à un duo de femmes lesbiennes aurait pu être une idée rafraichissante en soi, le problème, c’est que tous les gags sont plus exagérés les uns que les autres, et spécifiquement sur ce côté beauf et sexuel qui ne cesse de se répéter sous des angles différents, à tel point que cela peut rapidement sentir le réchauffé. Et il ne suffit pas de transposer des blagues convenues sur un duo de femmes avec un dildo dans les mains pour leur donner un nouveau souffle. Les quelques apparitions de Matt Damon, Pedro Pascal et Miley Cyrus, dans des scènes entrecoupées d’images psychédéliques teasent l’histoire derrière la mallette au cœur du récit, une mallette dont la découverte ne se fait qu’à la moitié du film, soit après 40 minutes des mêmes blagues et des mêmes obsessions qui auraient pu être coupés à moitié, comme si le film s’était artificiellement rallongé en essayant de trouver des blagues convenues.
Du côté du positif cependant, les antagonistes se complètent plutôt bien. L’idée d’un gangster si old fashion qu’il lui est impossible de faire du mal à une femme alors qu’il se lance à la poursuite d’un duo féminin, et d’un autre qui privilégie le dialogue y compris dans les situations les plus dramatiques, tous deux menés par l’unique vraie terreur du groupe, campée par Colman Domingo, déjà vu dans Fear the Walking Dead, peut décrocher quelques rires.
Une représentation redondante du couple lesbien
Le duo formé par les deux personnages principaux marche plutôt bien, et ce malgré le fait que Jamie prenne bien souvent le dessus sur Marian qui, par son caractère clairement plus renfermé pour contraster avec le côté extraverti de son amie, peut parfois s’effacer. Margaret Qualley et Geraldine Viswanathan sont pourtant à la hauteur des rôles qui leur ont été donnés, elles sont crédibles, et il existe une vraie dynamique dans ce duo improbable composé de ces deux femmes qui ne semblent rien avoir en commun, mis à part leur orientation sexuelle.
L’autre nom du film est « Drive-Away Dykes », qui est un autre mot plus familier pour définir des femmes lesbiennes. Le duo est queer, et c’est comme si les réalisateurs et scénaristes craignaient qu’on ne s’en souvienne pas : on nous le rappelle d’ailleurs souvent, et très souvent de la façon la plus sexuelle qui soit. Bien sûr, une comédie n’est pas forcément là pour donner de l’épaisseur aux personnages, ils ont tout à fait le droit d’être simplement déjantés et avoir des mœurs débridées dans des films loufoques, mais le lesbianisme des héroïnes ne tourne ici qu’autour de leur envie constante (ou leurs tentatives) de séduire ou passer une nuit avec d’autres femmes, et l’enchaînement constant des scènes à ce sujet laisse un sentiment de lassitude certain.
Tricia Cooke, scénariste et productrice du film, est elle-même lesbienne et dans un mariage ‘non traditionnel’ avec Ethan Cohen, il serait donc malvenu de donner au film des intentions qu’il n’a pas en y voyant les obsessions malsaines d’un homme hétérosexuel sur un couple de femmes. Drive-Away Dolls est sa façon à elle de représenter des minorités sexuelles à l’écran, et cela ne plaira certainement pas à tout le monde. L’une des scènes contraste d’ailleurs nettement avec toutes les autres. La scène intime entre les deux héroïnes n’est pas voyeuriste et clairement plus simple et moins caricaturale dans sa mise en scène que le reste des relations entre femmes qu’il était possible de voir auparavant, et montre qu’il est clairement possible d’avoir une représentation qui sort du ridicule, plus authentique.
Une comédie pourrait totalement se faire sur le sujet de la drague entre femmes, un Hitch lesbien qui suivrait les déboires de femmes en quête d’amour, tentant d’évoluer parmi tous les codes si différents du milieu des rencontres féminines, comme le fait le récent Bottoms à sa manière. Un American Pie queer aurait peut-être été plus sincère et aurait pu attirer un certain public, parce que le produit final, et ce malgré ses lourdeurs et son sous-texte sexuellement chargé, n’est clairement pas plus stupide que la série de films pourtant devenue culte pour une génération. Et c’est en partie parce qu’il assumait totalement sur ce qu’il était.
Un film aux promesses non tenues
On a l’impression en réalité que le road trip sur fond de crime crapuleux aurait pu disparaître, car il semble finalement bien absent, et c’est peut-être le problème principal de la trame narrative, qui ne tient pas sa promesse de départ. Peut-être que Drive-Away Dolls s’est orienté dans un chemin hasardeux en souhaitant mixer deux genres qui, cette fois-ci, ne se marient pas ensemble, l’un prenant clairement le pas sur l’autre. La menace vite expédiée est d’ailleurs à peine une menace, et la présence des méchants à la poursuite du duo semble presque de trop. Ce qui aura probablement déçu une partie du public qui en attendait plus.
Beaucoup de promesses pour un résultat qui ressemble à du gâchis, à une histoire qui aurait pu être un peu plus poussée en ôtant les scènes simplement présentes pour enchaîner des gags faciles dont on aurait pu se passer. L’idée de base était bonne, et le film mérite d’être vu par curiosité pour l’aventure solo d’Ethan Cohen et de sa femme Tricia Cooke. Il risque cependant de ne pas rester dans les mémoires, et ne plaira pas aux insensibles à l’humour du type American Pie. Et quelle idée de faire appel à Pedro Pascal et ne lui laisser que si peu de temps à l’écran ?!