BLADE RUNNER 2049
États-Unis – 2017
Genre : Science Fiction
Réalisateur : Denis Villeneuve
Acteurs : Ryan Gosling, Harrison Ford, Ana de Armas, Robin Wright, Sylvia Hoeks, Jared Leto
Musique : Hans Zimmer, Benjamin Wallfish
Distributeur : Columbia Pictures
Durée : 163 minutes
Date de sortie : 04 octobre 2017
LE PITCH
K, jeune et efficace Blade Runner découvre un secret enterré depuis longtemps. C’est à travers un futur dévasté par la pollution qu’il part à la recherche de Rick Deckard, légende disparue depuis 30 ans, unique personne pouvant apporter les réponses à ses questions
To Live and Die in L.A.
Œuvre majeur du cyberpunk et du cinéma néo-noir, Blade Runner de Ridley Scott marqua à travers les quatre dernières décennies bon nombre de cinéphiles de façon assez irrévocable. Génie visuel de Scott, musique envoutante inoubliable de Vangelis, improvisation légendaire de Rutger Hauer, l’adaptation de la nouvelle de Philip K. Dick possède de nombreuses qualités indéniables, la plaçant souvent en très bonne position dans les tops 10 des cinéphiles de tout horizon. Dès lors, dire qu’une suite était aussi attendue que crainte n’est pas un euphémisme.
Tel un replicant Nexus 6, à l’approche de la fin d’une glorieuse carrière, Ridley Scott décide de se réapproprier les univers qu’il a développés par le passé, afin de laisser une trace, pourtant déjà indélébile, dans l’Histoire du cinéma. Volonté personnelle qui correspond étroitement avec celle des studios pour ressortir sur les écrans des suites ou remaniements de succès populaires établis. Après un retour plus que mitigé avec Prometheus, qui cliva aussi bien les spectateurs peu difficiles que les fans les plus hardcores des célèbres xénomorphes, Scott décide de passer le flambeau, trop occupé par Alien Covenant. C’est finalement le québécois Denis Villeneuve, réalisateur d’Incendie(s), A-lister indéniable adoré et adulé qui hérite des honneurs et des responsabilités. Une décision et une filiation assez logique en somme.
Si le premier film était une œuvre d’anticipation, cette suite, bien que baptisée 2049, résonne terriblement avec l’actualité. Les ruelles sombres du Los Angeles de 2019, constamment arrosées par la pluie ont laissé place à une zone urbaine écrasée, confinée entre un océan tumultueux et un désert irradié. Au futur immédiat vertical toujours omniprésent s’ajoute une horizontalité s’ouvrant vers l’inconnu, le danger, clivant encore plus une civilisation (les pauvres du désert menaçant soi-disant les riches des villes, ça ne vous dit rien) qui s’est fait une raison sur le sort accordé à la Terre, attendant leur tour pour rejoindre les colonies spatiales. C’est une Terre dévastée pour l’humanité que représente Villeneuve. Chaque plan est encombré par une épaisse pollution omniprésente, qui oblige K (Ryan Gosling), replicant Blade Runner pourchassant ses semblables, à constamment avancer dans un brouillard au sens propre comme au figuré. A ce brouillard dense et crasseux, le réalisateur, tout comme dans Sicario, instaure des frontières symboliques. Ces humains libres de leurs mouvements vivant dans un nuage gris sont ils plus libres que cette I.A. vivant dans une clée USB ? Ou que cette jeune fille au système immunitaire affaiblie condamnée à vivre dans une bulle (comme Travolta) et qui ironiquement, permet aux autres de s’évader par ses créations ? Villeneuve ne délivre pas pour autant une vision pessimiste. Son futur laisse place à l’espoir et un retour aux sources des plus littéral, tel que le québécois le décrit dans cette première scène rurale plaçant la symbolique de l’Arbre de vie au centre du récit.
Love & Death
Sous couvert d’une chasse à l’homme mortelle et impitoyable, Blade Runner posait déjà d’innombrables questions sur ce qui faisait notre humanité, sur le pouvoir de création et le droit de tuer mais aussi celui d’aimer. De l’amour entre un robot et un humain (le dernier montage sorti par Scott en Blu ray ne laissait que très peu de doutes sur l’humanité de Deckard) nous sommes passés à celui d’un robot pour une entité virtuelle, Joi, qui n’est pas sans rappeler Her, l’excellent film de Spike Jonze jusque dans certains détails évidents (la scène de sex avec la prostituée). Une nouvelle façon d’affirmer que l’amour dépasse les barrières codifiées et explose les frontières du genre. Là aussi, le film de Villeneuve résonne avec l’actualité et ouvre un espoir et des possibilités innombrables sur les relations « humaines ».
Les liens entre les films de Scott et Villeneuve sont évidents et principalement thématiques. Pour autant, Villeneuve ne tombe à aucun moment dans le piège de la répétition facile, du remake dissimulé comme bon nombre de productions au même profile sorties ces derniers temps. Blade Runner 2049 n’est pas Blade Runner et c’est une véritable satisfaction. Voir que malgré le poids du chef d’œuvre précédent qui pesait sur les épaules de Villeneuve, malgré l’épée de Damocles qui n’attendait qu’une référence mal placée procurant un fan service séduisant et facile pour tomber, le réalisateur ne s’est jamais dirigé vers la facilité et a réussit le pari de l’affranchissement tout en respectant la filiation. Un résultat en accord avec les thèmes de son film finalement !
Premiers incendies
Inégal dans son ensemble (on passe parfois de véritables moments de grâce à des maladresses facilement pardonnées), souffrant de quelques longueurs dans son dernier tiers, Blade Runner 2049 n’est pas le film parfait. La Force du premier film venait en partie de la puissance de la musique composée par Vangelis. Ici il n’en est rien. Trop cher (un comble quand on sait que le film a couté 180M $) Vangelis n’est pas retenu. C’est finalement Johan Johannsson, collaborateur fidèle de Villeneuve qui sera retenu…avant de claquer la porte il y a quelques mois. Vangelis refusant de revenir, c’est finalement Hans Zimmer qui viendra boucher les trous pour livrer une de ces partitions les plus insipides depuis très longtemps. Complètement effacée et sans personnalité, la musique du compositeur stakhanoviste est écrasée par la reprise du thème principale de Vangelis le temps de quelques notes dans une dernière scène frôlant l’instant de grâce, témoignant que la différence entre un grand film et un chef-d’œuvre ne tient pas à grand chose.
Blade Runner 2049 n’est pas le film parfait, certes, mais tiens la comparaison avec son ainée sans avoir à baisser la tête. Que ce soit la photo magnifique de Roger Deakins, le travail dantesque sur la direction artistique et les décors ou encore les prestations enflammées de l’ensemble du cast (Ford n’a pas été aussi bon depuis Apparences de Zemeckis…. il y a 17 ans, Gosling signe peut être sa plus belle performance, Ana de Armas est…. envoutante) presque tout le monde a sorti son meilleur jeu. Villeneuve accouche donc d’une œuvre majeure, faisant la somme de son cinéma (le dernier plan est relie magnifiquement Incendie(s) et Premier Contact) et montrant la direction à suivre. Quelle chance de savoir qu’il désire s’attaquer à Dunes pour son prochain projet !