BEETLEJUICE BEETLEJUICE
Etats-Unis – 2024
Genre : Comédie fantastique, Epouvante
Réalisateur : Tim Burton
Acteurs : Michael Keaton, Winona Ryder, Catherine O’Hara, Jenna Ortega, Monica Bellucci, Justin Theroux, Willem Dafoe…
Musique : Danny Elfman
Durée : 104 minutes
Distributeur : Warner Bros.
Date de sortie : 11 septembre 2024
LE PITCH
Suite à un événement tragique, la famille Deetz revient à Winter River. Toujours hantée par Betelgeuse, Lydia voit sa vie chamboulée quand sa fille Astrid ouvre accidentellement un portail vers l’Au-delà. Le chaos s’intensifie entre les deux mondes, et il devient inévitable qu’un nom soit prononcé trois fois, permettant au démon farceur de revenir semer la pagaille…
Une dernière danse ?
Aussi réjouissant qu’inattendu de la part d’un réalisateur que l’on croyait en perte de vitesse, Beetlejuice Beetlejuice marque le retour de Tim Burton à la comédie noire et satirique qui lui a valu ses lettres de noblesse. C’est bien simple, on n’avait pas autant ri à l’un de ses films depuis Mars Attacks !.
On aura attendu cette suite pendant plus de trois décennies. Elle fut même envisagée au début des années 1990 (le projet avorté Beetlejuice Goes Hawaiian), mais sans la participation de Tim Burton. Fort heureusement, le temps a joué en notre faveur, car Beetlejuice Beetlejuice marque non seulement le comeback tant attendu du réalisateur d’origine, mais aussi d’une partie du casting original, à savoir Michael Keaton, Winona Ryder et Catherine O’Hara. Une entreprise salvatrice pour un Tim Burton tombé dans une forme de torpeur créative depuis bien trop longtemps.
Pendant des années, le réalisateur avait fini par être considéré par les studios en quête de succès faciles (coucou Disney !) comme un directeur artistique de luxe, chargé de caser deux ou trois spirales sur des décors gothiques et d’emballer le tout sans trop se fouler. Bien sûr, le Burton qu’on adorait pointait encore le bout de son nez de temps à autre : les fulgurances gore de Sweeney Todd, la tentative de retour aux sources avec Frankenweenie, ou encore la satire anti-Disney déguisée dans le remake de Dumbo (ironiquement produit par… Disney !). Mais pour beaucoup d’entre nous, tout comme certains prétendent que le vrai Paul McCartney a disparu en 1966, le vrai Tim Burton s’est évaporé après avoir mis en boîte Sleepy Hollow, en 1999. Avec Beetlejuice Beetlejuice, on le retrouve enfin, et avec sa pêche d’antan. Son goût prononcé pour le macabre et le grotesque resurgit dans un environnement personnel et tangible, où les décors artisanaux évoquent le charme suranné des trains fantômes, contrastant fortement avec les mondes en images de synthèse qui ont jalonné la seconde moitié de sa carrière, totalement aseptisés et sans vie (qui a dit Alice au pays des merveilles ?).
Miroir, miroir…
Tim Burton lui-même reconnaissait déjà dans les années 90 que ses films ne racontaient pas vraiment d’histoires au sens classique du terme, mais qu’ils étaient davantage des études de personnages. Beetlejuice Beetlejuice ne fait pas exception à cette règle. Le scénario ne raconte pas grand-chose. Il enchaîne des sous-intrigues qui n’aboutissent sur rien, au point que l’on se questionne parfois sur la pertinence de certains personnages (Willem, Monica, si vous nous lisez…). Mais si l’on est honnête, n’était-ce pas déjà le principal défaut du premier Beetlejuice et, plus largement, des œuvres de Tim Burton depuis les années 80 ? Le film ne se distingue pas par son histoire en tant que telle. Il devient plus intéressant lorsqu’on le perçoit comme une suite de saynètes et de gags (parfois très réussis) destinés à illustrer les préoccupations personnelles de son auteur.
Chaque personnage y est un archétype, une manière pour Burton d’explorer ses propres questionnements existentiels. Ainsi, tout comme Big Fish et Charlie et la chocolaterie faisaient écho respectivement au décès de son père et à la naissance de son fils, on ne peut s’empêcher de retrouver dans Beetlejuice Beetlejuice une dimension autobiographique. On le sait, Lydia, dans le premier film, était un avatar de Tim Burton. Sa solitude et sa relation avec ses parents reflétaient la jeunesse difficile du cinéaste. Par extension, le personnage de Betelgeuse pouvait être perçu comme une part de folie qu’il s’agissait de dompter. Dans cette suite, Lydia est devenue une animatrice TV célèbre dans le domaine de l’occultisme, ce qui offre un parallèle évident avec la réputation très « spooky » de Burton. Mais son succès est contrebalancé par des échecs personnels : sa vie amoureuse est loin d’être parfaite et son lien avec sa fille se détériore. Son idylle avec son manager (interprété par Justin Theroux) est ambiguë, marquée par une certaine méfiance quant à ses intentions. Parallèlement, Betelgeuse vit dans la crainte du retour de Dolores, l’ex-femme de sa (fin de) vie. Il est difficile de ne pas voir, dans ces récits croisés, un commentaire de Burton sur les affres de la vie amoureuse (et de la vie de parents, lui-même père de deux adolescents nés de son union avec Héléna Bonham-Carter). Le film explore d’ailleurs différentes dynamiques de couples : du couple adolescent, dont la nature éphémère est vouée à se terminer rapidement, au vieux couple dont l’amour et la complicité perdurent même par-delà la mort.
Il n’est pas non plus interdit de voir en Beetlejuice Beetlejuice une réflexion sur le cinéma de son auteur lui-même. Le personnage de Monica Bellucci, présent dans la meilleure scène du film — un flashback en italien dans le texte et en noir et blanc — évoque directement le cinéma gothique de Mario Bava. Elle incarne en quelque sorte les envies cinéphiles et le riche bagage culturel de Tim Burton qui lui ont permis de se démarquer au début de sa carrière. En contraste, le personnage de Justin Theroux symbolise plutôt les majors hollywoodiennes davantage obnubilées par le retour sur investissement que par la vision singulière de leurs artistes.
The Greatest Showman
Mais au-delà d’être un véritable régal pour les exégètes de Tim Burton, Beetlejuice Beetlejuice est avant tout une immense dose de fun ! Et s’il y en a bien un qui capte toute notre attention lors de ses apparitions, c’est bien sûr Michael Keaton. Reprenant le rôle de Betelgeuse 35 ans après l’avoir créé, il semble n’avoir rien perdu de sa vitalité. Le maquillage masquant les effets du temps, il incarne de nouveau ce personnage mal embouché et déjanté avec un enthousiasme contagieux. Même s’il n’apparaît que 17 minutes dans le film (contre 14 min 30 dans le premier), son aura fantomatique semble n’être jamais bien loin.
Le film évite l’écueil classique des legacyquels, où les anciens personnages deviennent des mentors destinés à s’effacer au profit d’une nouvelle génération. Ici, Astrid (interprétée par Jenna Ortega, nouvelle muse de Burton) ne vient pas remplacer Lydia (Winona Ryder), mais enrichit une dynamique familiale, apportant une nouvelle perspective sans effacer l’importance des figures originales. La conjugaison de ces talents offre une galerie de personnages hauts en couleur pour un film qui ne marquera peut-être pas l’histoire du cinéma, mais qui a au moins le mérite de nous offrir une belle tranche de rigolade !