BARBARE
Barbarian – États-Unis – 2022
Genre : Horreur
Réalisateur : Zach Cregger
Acteurs : Georgina Campbell, Bill Skarsgård, Justin Long, Matthew Patrick Davis, Richard Brake…
Musique : Anna Drubich
Durée : 102 minutes
Distributeur : Disney +
Date de sortie : 26 octobre 2022
LE PITCH
Se rendant à Détroit pour un entretien d’embauche, Tess se retrouve à louer un « Airbnb » le temps de son séjour. Mais lorsqu’elle arrive tard dans la nuit, elle découvre que la demeure est déjà occupée et qu’un homme étrange du nom de Keith y séjourne déjà… Malgré la gêne, elle décide résignée d’y passer la nuit, les hôtels des environs étant complets. Mais réveillée dans son sommeil par des sons mystérieux, Tess va s’embarquer malgré elle dans une série de découvertes terrifiantes…
The Descendants
Quel rapport entre X de Ti West et Barbare de Zach Cregger. Un goût insoupçonné pour le cinéma d’horreur des années 70 et en premier lieu le totémique Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper. Qu’est-ce qui différencie ces deux films sortis à quelques jours d’intervalles par chez nous ? Autant on attendait avec impatience la nouvelle livraison du trop rare Ti West (The House of the Devil, 2009 ; The Innkeepers, 2011), autant on n’a sérieusement pas vu venir la proposition de Zach Cregger, jusqu’alors habitué à faire l’acteur dans des comédies.
La surprise n’en est que plus forte et puissante. Dans l’absolu, et comme le clame la promo autour de Barbare (diffusé sur Disney + en France) : moins on en sait, plus forte sera l’expérience. Difficile dès lors de se lancer dans un avis, aussi positif soit-il, sans révéler des éléments de l’intrigue… Mais on va éviter les spoilers. On l’a déjà évoqué, Barbare se révèle être un rejeton dégénéré de Massacre à la tronçonneuse. Plus précisément, une transposition de l’esprit du film de Tobe Hooper dans le monde d’aujourd’hui. Le Texas des rednecks laisse la place au Détroit des laissés pour compte. C’est évidemment particulièrement bien vu d’ancrer son intrigue dans un contexte de délabrement actuel comme présenté dans le film, une ex-banlieue pavillonnaire laissée à l’abandon. Une approche qui se veut descendante de celle du créateur de Leatherface. C’est donc à Détroit que Tess se rend pour un entretien d’embauche. La jeune femme s’y retrouve contrainte de partager un logement avec un inconnu. Une situation ordinaire, mais qui pose déjà le sentiment d’inconfort qui ne quittera jamais le spectateur. C’est la première qualité du film : jouer sur la proximité et l’identification, qui d’une situation banale (qui n’a jamais douté avant d’entrer dans un logement de type airbnb ?) mais inconfortable bascule dans une inquiétude qui vire à la terreur. Le jeu très juste du duo Georgina Campbell et Bill Skarsgård renforce cette belle idée qui happe directement le spectateur.
Le sous-sol de la peur
L’une des fondations de Barbare (et de tout film du genre qui se respecte) est de demeurer suffisamment crédible pour emporter le spectateur. Sur ce point, c’est une réussite. La cohérence et le réalisme avec lesquels les personnages agissent et réagissent dans le premier acte est remarquable : doutes, craintes… que faire avec cet escalier qui descend à la cave, avec cette porte qui donne sur l’inconnu… Si tout amène à ce que l’intrigue se développe, ça n’est pas sans que les personnages envisagent le pire, des réactions logiques qui amplifient leur véracité, l’accroche et l’empathie qui se tissent avec le spectateur. En cela, le film déjoue certaines attentes du public et prend à contrepied certains passages obligés du genre. Le mystère pour mieux surprendre et prendre à revers. Dans un premier temps, Zach Cregger convoque également tout un pan du cinéma horrifique qui privilégie la suggestion. Le mystère est dense dans Barbare, les chausse-trappes ne sont pas en reste. Dans toute sa première moitié, Barbare est un petit chef d’œuvre de mise en place et de tension qui ne cesse de gonfler. Zach Cregger fait montre d’une maîtrise de la mise en scène pour créer l’attente, l’interrogation, jouant sur les angoisses primaires que sont la peur de l’obscurité ou de l’enfermement. A ce sujet, le travelling circulaire qui dévoile l’environnement du quartier à l’héroïne, quelques heures après son arrivée, est une sacrée inspiration. Ou encore cette séquence de flashback aussi ahurissante et lumineuse qu’impromptue, véritable scène-clé dévoilant les racines du mal. Cregger gère minutieusement les espaces de la maison, convoquant le souvenir du sombre Sous-sol de la Peur de Wes Craven. Zach Cregger maîtrise les lignes de fuites et l’hors-champ à la perfection et propose une véritable tension comme on n’en a pas vue sur un écran depuis un bail (même le très grand X est battu sur le plan de la peur brute).
I’m a Creep
La seconde partie du film, qui voit l’arrivée du personnage d’acteur arriviste et macho campé par Justin Long (Jeepers Creepers, Tusk), une caricature du male gaz pleine période MeeToo, prend une tout autre direction, avant de rejoindre les rails déjà mis en place. C’est à partir de là que Barbare lâche les chevaux et dévoile ce qui n’était que suggéré jusqu’alors dans un ride horrifique tétanisant. On pourra trouver cette dernière ligne droite du métrage un peu too much, trop démonstrative et un poil trop long. Comme souvent, une fois le mystère levé, la réponse n’est pas totalement à la hauteur de l’angoisse générée par les nombreuses questions suscitées au préalable. Et Barbare n’échappe pas complètement à une petite déception sur un final un peu expédié. Mais on s’attachera surtout à insister sur les immenses qualités de ce petit film ultra-maîtrisé, et on retiendra que Zach Cregger a le mérite de choisir une direction et de s’y tenir, à l’image de ses personnages tirant la corde pour dévoiler l’antre de la folie et du mal. Ce qui fait de Barbare l’un des plus mémorables rejetons de Massacre à la tronçonneuse et une merveille de film d’épouvante contemporain.