BAC NORD
France – 2021
Genre : Policier
Réalisateur : Cédric Jimenez
Acteurs : Gilles Lellouche, François Civil, Karim Leklou, Adèle Exarchopoulos…
Musique : Guillaume Roussel
Durée : 104 minutes
Distributeur : Studio Canal
Date de sortie : 18 août 2021
LE PITCH
- Les quartiers Nord de Marseille détiennent un triste record: la zone au taux de criminalité le plus élevé de France. Poussée par sa hiérarchie, la BAC Nord, brigade de terrain, cherche sans cesse à améliorer ses résultats. Dans un secteur à haut risque, les flics adaptent leurs méthodes, franchissant parfois la ligne jaune. Jusqu’au jour où le système judiciaire se retourne contre eux…
Marseille Connection
Après avoir raconté la criminalité marseillaise des années 70 dans La French, Cédric Jimenez avance de 40 ans dans le futur, en 2012, pour raconter cette fois l’histoire de la Bac Nord de Marseille, là aussi inspiré d’une histoire vraie.
Ce fait divers, qui avait été très médiatisé à l’époque, avait touché sévèrement la Bac Nord de Marseille qui s’était vu démantelée et 18 de ses membres mis en accusations. Une accusation d’association de malfaiteurs très lourde qui implique du vol d’argent, de drogues et de cigarettes dans de grandes quantités, des mises sur écoute des agents de la Bac par l’IGPN pendant des mois et de la prison ferme pour certains de ces membres. Une énorme opération qui promettait un grand coup de kärcher dans des services de police gangrenaient par la corruption. Seulement après plusieurs mois d’enquête, cette affaire fit de moins en moins de bruit, disparu de plus en plus des médias pour finalement n’être jugée qu’en avril 2021, soit neuf ans après sa révélation, dans un anonymat presque total. Pourquoi tant de temps ? et pourquoi avec une couverture médiatique aussi réduit par rapport à la frénésie de ses débuts ? Il semblerait qu’au fil de l’enquête, cette affaire se soit dégonflée d’elle-même, laissant apparaitre des délits bien véridiques de la part des policiers, avec effectivement des vols d’argent, de drogues et de cigarettes mais dans des quantités bien moindres que celles soupçonnées et que les enquêteurs de l’IGPN qui avaient fait l’enquête sur les Baqueux (agent de la bac) semblaient surtout motivés par des raisons personnelles (jalousies et guerre de service) plutôt que professionnelles. Rajouté à ça, les ambitions politiques du ministre de l’Intérieur de l’époque, Manuel Valls, qui a vu dans cette affaire une bonne occasion de grimper les échelons et des médias qui favoriseront toujours le spectaculaire au banal, cette affaire a pris des proportions qui ont largement dépassé ses intervenants. Corruption policière et humaine, ambitions politique et médias complices, une histoire comme celle-là aurait été un sujet parfait pour un traitement à la Sidney Lumet mais Cedric Jimenez a préféré une approche plus frontale que subtile.
Enquête d’action
Bac Nord suit donc le destin de trois flics de la Bac, partenaires et amis de longue date qui se retrouvent à devoir franchir la ligne jaune pour pouvoir faire tomber un gang ultra-violent qui sévit à Marseille. Passé la première scène, un flash-forward situé quelques mois plus tard, le film rentre directement dans l’action avec une course poursuite entre nos trois flics, en voiture, qui pourchassent un scooter dans une zone industrielle aux abords de la ville. Très dynamique et lisible, la scène est une bonne séquence d’introduction qui permet de poser efficacement les personnages, leurs relations et leurs méthodes de travail mais aussi de présenter le quatrième personnage principal du film, la ville de Marseille. Évitant les lieux évidents qui viennent à l’esprit quand on montre la cité phocéenne au cinéma, Bac Nord situe ses séquences dans les quartiers dangereux de la ville, les zones industrielle, les marchés couverts ou les lieux abandonnés mais n’oublie jamais de les montrer comme de vrais lieux de cinéma, en appuyant leurs spécificités par la mise en scène (l’arrivée en scooter dans un quartier, filmée en grand angle pour déployer l’espace) ou par l’ambiance sonore et la photo (le soleil du sud qui inonde les plans et écrase par sa chaleur). Une conjugaison d’éléments qui explose lors de la scène centrale de la descente dans le quartier géré par le gang recherché par la Bac. Un gros morceau d’action d’une vingtaine de minutes, bien tendu, qui conclut la première partie du film.
La seconde partie met en scène le contrecoup de cette opération et le retournement des services de police contre les trois personnages principaux. Une partie qui ressemble beaucoup à une réponse des vrais policiers qui ont été touchés dans cette affaire (qui ont été en contact avec Cédric Jimenez dès la mise en place du film) après le silence des médias suite au dégonflement de l’affaire. C’est là que le traitement de l’histoire peut diviser, le trio du film enfreint la loi parce que qu’on ne leur donne pas d’autre choix pour pouvoir boucler leur affaire, les vrais baqueux l’ont fait pour leur compte. Le manque de subtilité dans l’histoire n’est pourtant pas ses prises de libertés avec la réalité, c’est un autre débat, mais bien la façon dont est exposée la dictature du chiffre dans les services de police. C’est elle qui bloque les enquêtes, qui envenime les rapports entre la police et la population et réduit les gens (même les policiers) à des chiffres sur des feuilles, mais cet état de fait est signifié systématiquement par les dialogues quand il n’est pas directement montré sur une feuille histoire qu’on comprenne bien…
Une déshumanisation du métier qui amène ensuite à la déshumanisation en prison qui finit de briser mentalement. Une suite logique et pertinente mais qui tombe, hélas, dans l’hypocrisie quand, après avoir dénoncé un système qui sacrifie les pions au bas de l’échelle, ces mêmes éléments sacrifient à leur tour les pions en dessous d’eux pour s’en sortir. Hypocrite puisque ce sacrifice est montré comme finalement plus valable que celui qu’ils ont subi, alors que ce n’est pas le cas, et fait la part belle à la douleur du policier qui a dû faire ça mais reste à l’écart de la victime.
Si vous cherchez un polar sec et nerveux Bac Nord remplit bien le contrat. Efficace dans sa réalisation et son interprétation, le film nous entraine dans une ville de Marseille, véritable cocotte-minute, sur le point d’exploser. Si en revanche vous cherchez une retranscription fidèle de l’affaire de la Bac Nord de Marseille, vous pouvez passer votre chemin, le film peut être vu comme la réponse cinématographique au cirque médiatique qui avait eu lieu à l’époque. Le grand film sur les rouages policier, politique, médiatique et humain de cette affaire reste encore à faire.