AHSOKA
États-Unis – 2023
Genre : Science-Fiction
Réalisateurs : Dave Filoni, Steph Green, Peter Ramsey, Jennifer Getzinger, Geeta Vasant Patel, Rick Famuyiwa
Acteurs : Rosario Dawson, Natasha Liu Bordizzo, Mary Elizabeth Winstead, Ray Stevenson, Ivanna Sakhno, Diana Lee Inosanto, Lars Mikkelsen, …
Musique : Kevin Kiner
Durée : 37-57 minutes
Distributeur : Disney +
Date de sortie : 04 octobre 2023
LE PITCH
Accompagnée de son ancienne apprentie Sabine Wren et du droïde Huyang, Ahsoka Tano, se lance à la poursuite de la sorcière Morgan Elsbeth. Libérée par deux Jedi renégats d’un transport pénitentiaire de la Nouvelle République, cette dernière a un plan pour faire revenir le terrifiant Grand Amiral Thrawn de son lointain exil …
Le Retour du Jedi
On attendait beaucoup d’Ahsoka. Sans doute un peu trop. Handicapé par un démarrage poussif et maladroit, parasité par une multitude d’enjeux secondaires à la nécessité discutable, le show peine à trouver son rythme et va parfois jusqu’à laisser son héroïne sur le bas côté de la route. Plutôt réussi et entraînant, le dernier tiers redresse in extremis la barre et justifie amplement le voyage malgré un sentiment tenace d’inachevé.
À l’instar de l’écrivain Timothy Zahn, le réalisateur et scénariste Dave Filoni fait partie de ces rares auteurs auxquels George Lucas aura su laisser les coudées franches pour développer et enrichir l’univers Star Wars sans risques de le trahir. Et tout comme Zahn, dont la création du Grand Amiral Thrawn, redoutable stratège de l’Empire, a durablement marqué plusieurs générations de fans, Filoni peut en toute légitimité s’enorgueillir d’être le papa d’Ahsoka Tano, la turbulente apprentie Togruta d’Anakin Skywalker devenue guerrière Jedi solitaire au fil des saisons de Clone Wars et de Star Wars Rebels.
Natif de Pennsylvanie, véritable homme-orchestre (il est animateur, directeur artistique, dessinateur, réalisateur, scénariste et même acteur), transfuge de la chaîne Nickelodeon, Dave Filoni a pris la tête de Lucasfilm Animation dans les dernières années de l’ère Lucas et a su conserver son influence lors de la prise en main par Disney et Kathleen Kennedy. Tout en développant en parallèle ses séries animées et en jouissant d’un poste de consultant, Filoni a eu le nez creux en se joignant à l’équipe de The Mandalorian dont il réalise lui-même le fabuleux épisode pilote. Pour la seconde saison de cette série à la popularité foudroyante, il frappe même encore plus fort avec le cinquième épisode (Chapter 13 : The Jedi) en ressuscitant en live-action Ahsoka Tano, SA création, sous les traits de Rosario Dawson. Aguerrie, stoïque, ultra-charismatique et maniant une paire de sabres lasers, l’héroïne achève sa mue en rônin bad ass et domine de la tête et des épaules un épisode où l’influence d’Akira Kurosawa et de Sergio Leone est plus évidente que jamais. Ajoutez à ce cocktail une Diana Lee Inosanto (oui, la fille de Dan, la légende) qui prend un pied évident à jouer une magistrate/shogun cruelle à souhait, un Michael Biehn en mercenaire à la Lee Van Cleef et la révélation qu’Ahsoka s’est lancée à la poursuite de Thrawn en fuite depuis la chute de l’Empire et vous obtenez un concentré de 43 minutes de bonheur intense pour geeks et cinéphiles. Il ne faudra dès lors pas plus de quelques semaines pour que Disney confirme qu’Ahsoka aura bien droit à son spin-off rien qu’à elle et que Dave Filoni en sera le seul maître à bord. Certains – dont votre humble serviteur – se mirent alors à rêver d’une sorte de Kill Bill à la sauce Star Wars où Ahsoka se taillerait un chemin au sabre laser parmi les derniers fanatiques de l’Empire jusqu’à sa cible principale : Thrawn. Un pitch qui n’a rien d’un fantasme puisqu’il s’agit (hors références « tarantinesques ») de la note d’intention du show lors de ses premières étapes de pré-production. Malheureusement, rattrapé par ses réflexes de fan boy et bousculé par la navigation à vue du bateau ivre qu’est devenu entre-temps Lucasfilm, Dave Filoni a transformé Ahsoka en tout autre chose.
Game Of Thrawn
En dépit d’un budget de luxe et d’une mise en scène et d’une direction artistique qui tentent d’en mettre plein les mirettes, les trois premiers épisodes d’Ahsoka souffrent d’une écriture catastrophique et d’un rythme qui étire bon nombre de scènes au-delà du raisonnable. Parce qu’entre l’exploration d’un temple qui prend des plombes, l’évasion tout bonnement risible de Morgan Elsbeth, l’absence totale de caractérisation du duo Baylan Skoll/Shin Hati, des nostalgiques de Palpatine qui se mettent soudainement à crier « Longue vie à l’Empire ! » alors qu’ils étaient à deux doigts de s’en tirer en douce ou encore le fait qu’il est désormais tout à fait possible de survivre à un coup de sabre laser dans le bide, Ahsoka fait clairement peine à voir. Mais le vrai problème vient du fait que Dave Filoni ait choisi de faire du show une suite directe de Star Wars Rebels (ceux qui n’en ont pas vu un seul épisode en seront pour leur frais), une tribune pour l’activisme néo-féministe de plus en plus relou de Kathleen Kennedy (alors qu’une histoire dont l’héroïne est une femme qui ne doit rien aux hommes n’en avait pas franchement besoin) et une piste de lancement pour un long-métrage Star Wars qui devrait conclure la série The Mandalorian et ses spin-offs divers et variés. À force de lancer des pistes, de ranimer des storylines dont le spectateur de base se contrefout et d’enquiller les personnages féminins revendiquant leur indépendance alors que personne ne la leur conteste, Dave Filoni n’a d’autres choix que d’user de coutures bien trop grossières pour faire tenir debout ce pudding indigeste où l’héroïne du titre en est réduite à faire de la figuration en prenant la pose.
Pourtant, par on ne sait trop quel miracle, l’épisode 4 et ses multiples affrontements virtuoses sur une planète au look ostensiblement nippon permet à Filoni et son équipe de retomber enfin sur leurs pattes. Confrontés à des choix difficiles, les personnages existent enfin et le rythme se consolide. L’épisode 5 enchaîne sur un caméo d’Hayden Christensen autrement plus satisfaisant et utile que dans Obi-Wan Kenobi, offre un épilogue émouvant à la relation qui unissait Ahsoka à son maître et se conclut par une envolée épique et poétique à base de baleines de l’espace. Quant aux trois derniers épisodes, et même si la conclusion ne mène nulle part, ils proposent un spectacle enfin à la hauteur des attentes que les productions Lucasfilm faisaient naître jadis puisqu’on y croise des sorcières qui semblent sorties tout droit du Willow de Ron Howard, des indigènes craquants, des courses poursuites sur des landes extra-terrestre, un méchant suave à la James Bond et même des Stormtroopers zombies ! Sous-employé au départ, le casting trouve dans ces péripéties en cascade des occasions de briller avec une mention tout à fait spéciale pour le regretté Ray Stevenson (d’une classe folle pour sa toute dernière apparition à l’écran), pour les talents vocaux de David Tennant derrière la carcasse plusieurs fois centenaire du droïde Huyang et pour Rosario Dawson, toujours aussi magnétique lorsque la caméra daigne la placer au centre de l’action.