ACIDE
France, Belgique – 2023
Genre : Drame fantastique
Réalisateur : Just Philippot
Acteurs : Guillaume Canet, Laetitia Dosch, Patience Munchenbach, Marie Jung, Martin Verset…
Musique : Rob
Durée : 99 minutes
Distributeur : Pathé
Date de sortie : 20 septembre 2023
LE PITCH
Selma, 15 ans, grandit entre ses deux parents séparés, Michal et Élise. Des nuages de pluies acides et dévastatrices s’abattent sur la France. Dans un monde qui va bientôt sombrer, cette famille fracturée va devoir s’unir pour affronter cette catastrophe climatique et tenter d’y échapper.
Pluie d’enfer
Second long-métrage du réalisateur Just Philippot, version étendue de son court éponyme datant de 2018, Acide devait confirmer les bonnes impressions laissées par La Nuée, qui avait néanmoins pas mal divisé les amateurs de ciné de genre lors de sa sortie en 2020.
Que se passerait-il si des pluies acides diluviennes, liées notamment au réchauffement climatique et surtout à un ciel gorgé de pollution, s’abattaient sur le monde et détruisaient tout ce qu’elles touchaient ? C’est le constat à la fois excitant et très actuel que posent sur le papier Just Philippot et son coscénariste Yacine Badday pour lancer cette seconde réalisation du cinéaste français. Un sujet bien dans l’air du temps au regard des questions environnementales, qui s’accompagne d’un format thriller/catastrophe/fantastique et d’un ancrage toujours très présent dans le drame social. Pas si surprenant de la part de Philippot qui semble particulièrement apprécier le mélange des tons et des genres, comme il l’avait déjà brillamment prouvé en réunissant drame familial et rural, et film d’horreur dans La Nuée, œuvre imparfaite mais porteuse de suffisamment de qualités pour que l’on s’intéresse de près à lui. Dans Acide, on suit un couple séparé et leur jeune fille adolescente qui tentent de fuir le Nord de la France en proie à des averses mortelles. Le réalisateur ancre son récit dans la réalité sociale du moment, le personnage incarné par Guillaume Canet est ainsi un syndicaliste et sympathisant actif du mouvement des gilets jaunes, sanguin et violent, caractérisé dès la séquence d’ouverture, lors d’une confrontation pour le moins agressive et prise sur le vif entre des manifestants et les forces de l’ordre dans le bureau d’un patron d’entreprise. Une opposition de classes qui ne cessera d’alimenter le récit, puisque le personnage ressasse en permanence son aigreur vis-à-vis des puissants (et de son beau-frère), alors qu’il tente de protéger sa fille et son ex-femme, tout en essayant de rallier la Belgique pour y retrouver sa nouvelle compagne. Just Philippot parvient avec brio à esquisser ses personnages et leurs relations en quelques traits. Laetitia Dosch et Guillaume Canet sont excellents, ce-dernier, tout en rage bouillonnante, prouve la puissance de son jeu, comme c’était déjà le cas dans le remarquable La Prochaine fois je viserai le cœur de Cédric Anger en 2014. Si la caractérisation reste succincte, elle n’en est pas moins efficace, au sein d’une mise en place suffisamment forte, crédible, qui donne à voir un « héros » globalement antipathique, ou en tout cas suffisamment égoïste pour agir en fonction de ses besoins et aspirations personnelles. Dans l’air du temps on vous dit…
Nitrique ou aminé ?
Plus notable encore, Acide assimile et embrasse totalement son postulat de film de genre, bien plus que ne le faisait La Nuée. Just Philippot semble inverser le schéma et l’équilibre avec ce second film, qui place l’élément fantastique et l’action au premier plan, alimentant directement la mécanique de récit. Le film fait de son concept l’élément déclencheur, mais aussi le cœur de sa narration, là où La Nuée n’assumait réellement sa plongée dans l’horreur que dans son dernier acte. Le réalisateur s’appuie sur les questions environnementales, le dérèglement climatique, mais aussi sur l’évident déséquilibre sociétal, pour justifier la fuite de ses personnages. Dans sa forme, le film est également plus nerveux et rythmé, générant une tension palpable et intense qui ne faiblit jamais. Les protagonistes fuient la menace qui plane au-dessus de leur tête et Philippot fait état d’une belle générosité en explorant toutes les possibilités d’un tel postulat : comment se protéger de la pluie, la recherche d’abris, les mauvaises rencontres, les choix cruciaux à prendre. En cela, le film ne démérite pas et propose une imagerie pré-apocalyptique extrêmement convaincante tout droit sortie de La Route de John Hillcoat ou de La Guerre des Mondes de Steven Spielberg. On pense d’ailleurs beaucoup à ce dernier dans les différentes rebondissements du film, lors de scènes marquantes comme le sauvetage de la jeune Selma, l’évitement d’un barrage de police ou encore la tétanisante scène de la traversée du pont. Et franchement, Acide fait bonne figure en comparaison. Les personnages agissent avec une logique globalement assez réaliste. Le traitement de la menace en elle-même, cette pluie meurtrière précédée de nuages noires grondants, est en lui-même très bien géré, évoquant cette fois Phénomènes de M. Night Shyamalan, mais en plus réussi. C’est dans l’entremêlement permanent des différentes tonalités et éléments de son récit, slalomant entre drame familial et thriller fantastique qu’Acide est le plus fort.
Divertissement d’excellente tenue, ce second film de Just Philippot a tout de la confirmation attendue et vient prouver aux sceptiques que l’attachement du réalisateur au cinéma de genre est bien réel, ce qui nous rend d’autant plus curieux et impatients de découvrir le prochain projet du cinéaste.