13 NOTES EN ROUGE

France – 2022
Genre : Horreur, Érotique
Réalisateur : François Gaillard
Acteurs : Jeanne Dessart, Marine Bohin, Guillaume Beylard, Julien Quaglierini…
Musique : Double Dragon, Erona, Two Sparks, Camille Griot, Nicolas Verdoux
Durée : 74 minutes
Distributeur : Sadique Master Distribution
Date de sortie : 11 janvier 2025
LE PITCH
Après une soirée qui semble avoir été bien arrosée, Charlotte se réveille en pleine nuit dans son lit. N’ayant aucun souvenir des dernières heures, elle entend soudainement sa colocataire en train d’être attaquée dans sa chambre. L’assaillant semble chercher quelque chose. Mais quoi ? Que s’est-il donc passé cette nuit ?
Amer
Dix ans. C’est le temps qu’il aura fallu à François Gaillard pour achever son quatrième long-métrage, 13 Notes en Rouge. Longtemps mis en suspens pour diverses raisons, ce projet chaotique a traversé une gestation mouvementée, marquée par des reshoots massifs – près de 50 % du film initial a été retourné – et une quête incessante de perfection. À l’arrivée, le film, désormais disponible dans un Bluray limité à 300 exemplaires, intrigue autant qu’il interroge.
Il faut le dire, 13 Notes en Rouge est un festin visuel. François Gaillard y convoque tous les codes du giallo hérités de Mario Bava (Six femmes pour l’assassin), Lucio Fulci (Le Venin de la peur), Sergio Martino (L’Étrange vice de Madame Wardh) et, surtout, de Dario Argento (Les Frissons de l’angoisse). Le metteur en scène compose ici son cadre avec une précision impressionnante. Le décorum est somptueux : chambres drapées de velours, poupées inquiétantes, boîtes à musique grinçantes… Les éclairages, d’un délire chromatique assumé, évoquent les expérimentations baroques d’Argento sur Suspiria ou Inferno. François Gaillard prouve ici son amour pour la grammaire cinématographique propre au giallo : une caméra tantôt fixe, tantôt embarquée, qui alterne entre observation clinique et plongées frénétiques dans la folie. La séquence de split-screen, en particulier, témoigne d’un savoir-faire technique et d’une inventivité rare pour un film réalisé avec un budget minuscule de 30 000 € (!).
Toutes les couleurs du vide
Malheureusement, derrière cette enveloppe visuelle éblouissante se cache un scénario bien moins solide. Et c’est là que la frustration pointe. L’histoire débute pourtant de manière prometteuse : Charlotte, amnésique après une soirée trop arrosée, doit reconstituer le fil des événements pour comprendre pourquoi elle est traquée par un redoutable prédateur. Les personnages eux-mêmes sont des archétypes bien connus des amateurs du genre : la jeune ingénue confrontée à l’horreur, la copine frivole aux mœurs légères, et bien sûr l’assassin masqué, omniprésent et implacable.
François Gaillard maîtrise parfaitement l’esthétique du giallo, mais il semble n’en avoir retenu que la surface, en délaissant la mécanique narrative si savamment construite par les maîtres du genre. Pourquoi ne pas avoir proposé un whodunit ou explorer les thématiques du trauma capable de transformer n’importe quel innocent en meurtrier pervers ? Contrairement à un film comme Un couteau dans le cœur de Yann Gonzalez, qui tentait d’inscrire le giallo dans un milieu inédit (le porno gay), 13 notes en rouge reste sur des rails trop classiques, sans chercher à explorer de nouveaux territoires. Les enjeux, un peu flous, peinent à maintenir notre intérêt jusqu’au dénouement.
Le tueur frappe trop de fois
Les amateurs de gore trouveront leur compte, les meurtres étant aussi sanglants qu’inventifs. Cependant, la scène du fameux massacre en split-screen, bien qu’impressionnante d’un point de vue technique, pose problème. Si cette séquence augmente significativement le body count, elle dilue aussi toute tension dramatique : les victimes ne sont là que pour être sacrifiées, sans avoir bénéficié de la moindre caractérisation. Dès lors, il est difficile de ressentir de l’empathie pour ces personnages jetables. Alors oui, le film est une célébration orgiaque du cinéma bis transalpin, un véritable film fétichiste fait de textures, de couleurs et d’ambiances. François Gaillard déploie tout son cœur et son talent visuel, mais cette obsession pour l’esthétique relègue le fond au second plan. Ce déséquilibre, bien que familier dans l’exercice du néo-giallo – une critique qu’on pourrait d’ailleurs adresser à certains opus du duo Cattet-Forzani –, n’en demeure pas moins regrettable.
Pour les amoureux du giallo, 13 notes en rouge reste une curiosité à découvrir, ne serait-ce que pour son hommage sincère à un genre atypique. Mais pour ceux qui espéraient un film capable de réinventer les codes qu’il chérissent tant, la déception risque d’être au rendez-vous.