NO TIME TO DIE
Royaume-Uni, Etats-Unis – 2020
Musique : Hans Zimmer
Durée : 71 minutes
Nombre de pistes : 21
Distributeur : DECCA
Date de sortie : 27 mars 2020
Zimmer, Hans Zimmer
Qu’on le veuille ou pas, la rencontre entre 007 et le compositeur allemand était inévitable. L’hégémonie quasi totale des sonorités synthétiques et atmosphériques du lascar sur le cinéma d’action contemporain appelait à une confrontation avec les cuivres pop et historiques de John Barry. Nettement plus agréable que le doublé fonctionnel et sans imagination de Thomas Newman sur les films de Sam Mendes, le résultat oscille entre vieilles formules rythmiques et hommages émouvants.
Composer le score d’un James Bond est comparable à un exercice de style. Tant que le célèbre thème musical de Monty Norman et ses mémorables déclinaisons par John Barry sont de la partie et parfaitement reconnaissables, libre aux musiciens d’inventer et de tordre la matière à leur guise et selon les modes du moment. Ainsi se souviendra t-on des élans disco de Marvin Hamlisch (The Spy Who Loved Me), des signatures très personnelles de Bill Conti (For Your Eyes Only) et de Michael Kamen (License To Kill) ou encore de la soupe servie par Eric Serra (Goldeneye). Le cas Zimmer est un peu à part puisque l’on retrouve déjà son influence dans les greffes de musique électro opérées sur les trois dernières aventures de Pierce Brosnan par un David Arnold par ailleurs soucieux de coller à l’héritage Barry. Et il y aussi du Zimmer dans Skyfall et Spectre où un Thomas Newman visiblement mal à l’aise dans l’action se raccroche aux branches de ce qu’il a pu entendre ces quinze dernières années. Et que peut-on entendre depuis plus de quinze ans ? Du Zimmer, pardi ! Tel un Blofeld de la musique de film, Herr Zimmer n’aura eu de cesse de semer des disciples on ne peut plus zélés un peu partout, tuant la diversité qui s’offrait autrefois à nos oreilles. Trevor Rabin, Hans Gregson-Williams, Ramin Djawadi, Lorne Balfe, etc, etc. Bien malin celui qui parviendra à vraiment les différencier. Ironiquement, cette « industrialisation » de la musique de film aura permis au maître de se lancer dans des travaux plus exigeant, le sortant (toutes proportions gardées) de sa zone de confort. Des essais tels que Rush, Man Of Steel, Interstellar ou plus récemment Dune ont beau diviser, ils prouvent néanmoins que le bonhomme est encore capable d’inventer et de prendre des risques. Toute la question de son implication dans No Time To Die était donc là : à quel Zimmer allions-nous avoir affaire ? Le mercenaire ou l’artiste ? La facilité voudrait que l’on vous réponde : « un peu des deux ». Sauf que non. Excité comme un gosse à l’idée d’illustrer les pirouettes du plus célèbre des espions de cinéma, le compositeur se la joue fanboy, dispersant ses tics d’écriture pour ne pas défigurer outre mesure l’imposant héritage musical de la franchise.
La vie devant soi
Repoussé pendant plus d’un an pour cause de vous-savez-quoi, le score de No Time To Die n’a finalement pas grand chose à voir avec ce que laissait entrevoir la chanson de Billie Eilish disponible sur les sites de streaming depuis février 2020. Là où la chanteuse multi-récompensée et son frère et co-compositeur Finneas O’Connell faisaient le pari de la subtilité et de l’intimisme arty avec des paroles susurrées et des textures mélancoliques, Hans Zimmer sort l’artillerie lourde et balance du gros son, ses boucles électroniques et ses basses lourdes entamant un pas de deux avec une section orchestrale plus classique avec des cuivres puissants. Une orientation très claire dans les deux morceaux couvrant la séquence du prégénérique, « Message From An Old Friend » et « Square Escape », quelque part entre le David Arnold de The World Is Not Enough et le rouleau compresseur de Lorne Balfe pour le dernier Mission:Impossible. Mais la musique sait aussi se faire suave et mystérieuse avec l’excellent « Someone Was Here » et son crescendo marquant les retrouvailles entre Bond et son frère d’armes Felix Leiter. Du charme, de l’humour et des orchestrations sexy en diable, on peut en trouver lors de la fabuleuse parenthèse cubaine (« Shouldn’t We Get To Know Each Other First ? » et « Cuba Chase ») où s’entrechoquent des nappes atonales stressantes et des cordes latines absolument délicieuses. Mais le plus étonnant, le plus immanquable, ce sont bien évidemment les reprises et les clins d’œils appuyés au score de On Her Majesty’s Secret Service et à la chanson de l’immortel Louis Armstrong. Une référence on ne peut plus logique tant le film de Cary Joji Fukunaga et l’opus maudit de Peter Hunt partagent la même démarche schizophrène, entre des respects des codes de la franchise et sorties de route tonitruantes.
Mais la démarche de Hans Zimmer a ses limites et celles-ci sont assez évidentes lorsqu’il s’aventure dans l’antre du bad guy interprété par Rami Malek. Face à un personnage souffrant déjà de problèmes d’écriture, le musicien baisse les armes et se met en pilotage automatique avec des plages plus casse-bonbons que vraiment menaçantes, trop souvent entendues ailleurs (et en mieux). Un aveu d’impuissance créative qui fait un peu tâche mais qui n’entame presque en rien le capital sympathie de ce score (très) attendu au tournant.
Titre des pistes
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1. »Gun Barrel »
2. »Matera »
3. »Message from an Old Friend »
4. »Square Escape »
5. »Someone Was Here »
6. »Not What I Expected »
7. »What Have You Done? »
8. »Shouldn’t We Get to Know Each Other First? »
9. »Cuba Chase »
10. »Back to MI6″
11. »Good to Have You Back »
12. »Lovely to See You Again »
13. »Home »
14. »Norway Chase »
15. »Gearing Up »
16. »Poison Garden »
17. »The Factory »
18. »I’ll Be Right Back »
19. »Opening the Doors »
20. »Final Ascent »
21. »No Time to Die » (performed by Billie Eilish; written by Eilish and Finneas O’Connell)