WONDER WOMAN : HORS-LA-LOI T.1
Wonder Woman 1-6 + Trinity Special #1 – Etats-Unis – 2023 / 2024
Genre : Super-héros
Dessinateur : Daniel Sampere
Scénariste : Tom King
Nombre de pages : 208 pages
Éditeur : Urban Comics
Date de sortie : 24 mai 2024
LE PITCH
Un massacre vient d’avoir lieu. La coupable serait une mystérieuse Amazone. Devant une telle atrocité, le Congrès n’a d’autre choix que de promulguer l’Amazon Safety Act, défendant le sol américain à toute citoyenne de Themyscira. Pour que cette loi soit appliquée au plus vite, le gouvernement met au point une équipe spéciale, dont le but est de bannir celles qui refusent d’obtempérer, et ce, par tous les moyens nécessaires. C’est donc une Wonder Woman hors-la-loi qui va devoir démêler le vrai du faux dans cette affaire. Et la vérité risque de la surprendre..
Femme
Surtout habitué aux mini et maxi-séries auto-contenues et hors continuités, le scénariste star de DC, Tom King revient à l’écriture sur une série continue. Et pas n’importe laquelle : Wonder Woman. Un pilier de l’éditeur, un personnage passionnant et hautement symbolique dont le scénariste embrasse à merveille les multiples facettes.
Depuis quelques années, Tom King a entamé un long et large travail d’analyse des grandes, ou plus modestes, figures de l’éditeur : de Batman à Superman en passant par Miracle Man et même le Rorschach d’Alan Moore. Mais au milieu de ces grands tableaux complexes jouant sur la démythification des personnages, une plongée profonde dans leurs natures humaines et la figure du héros dans le monde contemporain, le très beau et sensible Supergirl : Woman of Tomorrow reste l’une de ses plus étonnantes réussites. Son arrivée sur le titre Wonder Woman avait forcément quelque chose d’alléchant, comme une promesse aussi d’un nouveau regard sur cette super-héroïne, cette déesse, semblant parfois bien à l’étroit dans un monde d’hommes… Pas de raison d’être déçu, c’est justement le sujet principal de cette nouvelle série qui, s’inspirant très volontairement des débats sociétaux du monde actuel, imagine une Amérique qui après un tragique fait divers (une amazone aurait tué 17 hommes dans un bar) embraye sur une politique de plus en plus répressible, exigeant le départ de toutes les amazones du territoire, n’hésitant pas à user de la force pour y arriver, et faisant de Wonder Woman en hors-la-loi.
De glaise et d’espoir
La femme à abattre. Car au-delà de la question des réfugiés et de la montée des idéologies extrêmes en occident, il s’agit bien et bien ici de la réaction d’une société essentiellement, et historiquement, masculine à une culture célébrant la féminité, l’indépendance, le partage, l’ouverture d’esprit, le respect des différences… Des opinions que certains jugeraient contraire à l’honorable idéologie de la plus grande nation du monde. En gros des petits mâles, personnifié par le gueulard Sergent Steel qui se sentent diminués face à un féminisme nouveau, même plus revendicateur, établi. Tom King use forcément d’un soupçon de caricature (on reste dans l’esprit comics), mais en poussant cette logique jusque dans ses limites, imagine une lignée de Rois des Etats-Unis qui règnerait dans l’ombre depuis des lustres (Démocrates / républicains même combats) et lui oppose une princesse Diana plus éblouissante et impériale que jamais. Un mentor, une mère, une sœur, une guerrière qui n’aura que rarement dégagé une telle puissance, autant lorsqu’elle surplombe dans un mélange de tendresse et de fermeté les humains qui l’entourent, que lorsqu’elle résiste seule à l’armée US et renverse un tank à main nue. Une compréhension réjouissante du personnage, apportée tout autant par les planches de Daniel Sampere (Dark Crisis on Infinite Earths, Red Sonja : Revenge of the Gods…) croquant avec réalisme une héroïne au corps extrêmement athlétique, extrêmement féminine mais sans tomber dans le piège de la beauté bimbo. Multipliant les illustrations incroyablement spectaculaire et iconique, il capture avec tout autant de justesse l’émotion dans les cases dialoguées (nombreuses) mais jamais gratuite.
Une très belle réussite où le destin se joue dans les origines du personnage que dans une partie de jeu de baston avec Troia, et où les deux auteurs mettent en place une longue trame et un vaste complot qui, comme l’induisent l’introduction et la conclusion de l’album consacrée à Trinity (fille de…), aboutirait à un futur porté par une nouvelle génération. Ambitieux, épique et assez bien vu.