Kiminori Wakasugi, un mangaka relativement rare au Japon, plus encore par chez nous, dont pour l’instant le seul titre de noblesse est d’avoir crée (tout de même) l’excellent Detroit Metal City. Une ode à la culture du métal et à ses nombreux excès, où un gentil musicien doux et fan de pop devait se dissimuler sous le maquillage outrancier du leader d’un groupe en pleine ascension. Et le Sasazuka de Who’s Next ? lui ressemble un peu, lui aussi effacé, discret voir un peu lâche, qui a accepté bien facilement son rôle de soumis tout au long de sa vie et qui n’hésite pas ici à jouer au larbin de service pour espérer ne pas être le prochain offert en pâture à la bestiole qui ravage son lycée. Retranché avec quelques autres personnages, pas forcément aussi délicats et bien intentionnés que lui, il attend laborieusement son tour puisque face à l’appétit dévorant de la créature, ils n’ont trouvé que cette idée d’un sacrifice journalier pour s’en sortir. Sauf qu’à force, le groupe toujours en vie se resserre. L’ex bonne élève hautaine qui se prostitue à la vue de tous pour préserver sa place, le délinquant qui malmène la donzelle et brutalise les autres, le cerveau de l’affaire qui observe froidement l’effondrement de al situation, le fana caché derrière sa caméra, le pauvre souffre-douleur trop rond pour son bien et Sasazuka au beau milieu. Bien entendu, peu à peu celui-ci va remonter la pente, trouver matière à s’affirmer un peu et échapper de justesse à son triste sort.

le jeu de la bouteille

Comme dans tout récit de ce type, Kiminori Wakasugi se concentre sur le rapport tendu entre les personnages, leur cruauté, leur lâcheté et la fragile construction pyramidale de cette miniaturisation de la société qu’est le lycée, mais il le fait sans doute avec un peu plus de férocité que les autres. Si l’horreur, la violence et les effusions de sang sont moins marquantes que chez d’autres, il appuie véritablement sur la misère psychologique de ses personnages, sur leur égoïsme constant et les élans pathétiques qui rendent leur dévorations express et brutale plus absurde encore. Lorsque l’auteur s’attarde ensuite sur le monstre en train de déféquer son dernier repas un peu plus loin, ce n’est pas pour faire un gag scatologique mais bien pour appuyer son regard sur cette humanité assez lamentable. Un jeu de massacre sans pitié, à l’humour froid et terriblement cruel qui joue constamment avec les attentes d’un lecteur justement rodé au genre. L’absence d’origine de la bestiole, les tentatives de sauvetage de l’extérieur attendues mais jamais visibles et le petit twist bien méchant des dernières pages orientant Who’s Next ? vers un délire façon Loft Story barbare teintent l’ensemble d’une ironie bien mordante. Comme pour Detroit Metal City, le principal défaut de ce nouveau manga reste la qualité toute relative des dessins. Si son découpage, son agencement et sa narration sont toujours très efficaces, son trait semble toujours aussi aléatoire et fragile avec des poses et des mouvements pas toujours bien rendus, et des expressions qui manquent d’intensité. Pas du grand art graphique mais une proposition qui se rattrape par sa méchanceté.