Le centre de La teigne et le gentil est donc naturellement une histoire d’amour. Entre une jolie rouquine au caractère pas facile, peinant à maintenir son petit restaurant / salon de thé au milieu d’un patelin qui pue le machisme à plein nez, et un jeune hors-la-loi tombé sous le charme de la demoiselle alors qu’il était censé repérer discrètement les alentours de la banque pour le futur casse. Loin d’être naïfs, mais assez maladroits dans l’expression de leurs sentiments, leurs premiers émois se heurtent rapidement à leurs conditions respectives et à la violence qui habite encore et toujours la région. Molly et Gentil (c’est son nom) renvoient forcément à ces grandes passion amoureuses, tendres, fougueuses et impossibles de l’adolescence, mais avec une bonne dose de piment en plus. Leurs caractères bien affirmés, leur sens de l’humour et de l’ironie, imprègnent des dialogues bien vifs qui donnent beaucoup de pep’s à l’aventure.

Dites-le avec des balles

Car aventure il y a. Nos deux tourtereaux ayant bien rarement le temps de se regarder dans le blanc des yeux, rapidement plongés dans une terrible histoire familiale entre le leader de la bande de gangster et un marshal revanchard qui n’a pas digéré que sa femme le quitte pour un représentant de l’autre bord. Entre vendetta personnelle et assaut épique sur toute la ville, La teigne et le gentil donne véritablement du souffle à son histoire d’amour en faisant cracher la poudre et en l’imprégnant jusque ce qu’il faut d’un soupçon de noirceur et de dureté. En une petite cinquantaine de pages, Augustin Lebon (Le Révérend, Résilience) multiplie les rebondissements, les affrontements, les surprises et les scènes iconiques du genre avec une énergie impeccable et surtout invoque à merveille les souvenirs de bons vieux western italiens, souvent promptes à mélanger les genres et à embrasser tous les clichés pour assurer un divertissement réussi. Auteur complet, il apporte de la même façon une atmosphère de western parfaitement rendue, au découpage efficace et dynamique, tout en offrant une certaine douceur et une joyeuse expressivité sur ses personnages avec un petit côté Didier Tarquin (dans les visages, dans les couleurs) bien sympa.

Un album rafraichissant, dépaysant et dont l’histoire d’amour pas gnangnan pour un sou, délivre jusque ce qu’il faut de tendresse dans un monde de colts.