Après avoir pendant quelques années largement fournis oeuvrés dans le catalogue des albums d’Elfes, Nains, Orcs & Gobelins et autres volumes des Terres d’Arran et avoisinants, Jean-Luc Istin et Bertrand Benoît font donc quelques infidélités à Soleil au profit de la toute nouvelle boite d’édition Oxymore (apparue en octobre dernier), mais ne s’éloignent finalement pas tant que cela de leurs marques. Une nouvelle série concept qui plonge à nouveau généreusement ses racines dans les grands textes de l’Heroic Fantasy en reprenant outre certains décors évocateurs (ici les grandes mines souterraines dignes de la Moria), une bonne partie de sa population avec des créatures fantastiques popularisés par les rôlistes. Petite subtilité ici, plus question de se contenter d’arpenter les terres mystiques, West Fantasy incarne toute cette mythologie dans une autre toute aussi populaire et lourde de référence : le western. Une greffe assez hasardeuse, mais qui étonnement fonctionne plutôt bien avec ses archétypes presque interchangeables de l’un à l’autre. Dans ce premier tome intitulé, Le Nain, Le chasseur & le croque-mort, le fier guerrier nain prend la place de l’ancien chercheur d’or creusant inlassablement sa mine, tandis que le gobelin nécrophage remplace le croque-mort à haut-de-forme (comme dans Lucky Luke) et le rôdeur devient chasseur de primes.

Reconquêtes

L’histoire proprement dite joue de la même façon sur les deux tableaux, faisant peu à peu se rapprocher deux trames : celle d’un homme recherchant pour se venger l’homme qui a tué par accident sa nièce, de l’autre un nain qui a réveillé sans le savoir un ancien nécromancien traversant la région avec son armée de morts-vivants à la recherche d’un totem caché par le peuple elfe. A oui, il fallait bien ajouter à tout cela un soupçon de panthéon lovecraftien ! Duels sans pitié, vengeances et rédemptions, croisent ainsi le chemin des grands élans épiques à la Tolkien jusque dans une grande bataille finale dont bien peu sortiront indemnes. Si Istin négocie assez bien son ouvrage, il est particulièrement bien aidé par les planches toujours aussi léchées et fouillées d’un Bertrand Benoît forcément très à l’aise dans les designs des différentes créatures évoquées, mais aussi dans ce mélange constant des genres reprenant tout à tour l’iconographie de l’un ou l’importance des paysages amples de l’autre, pour donner à d’intéressantes matières. A l’arrivée, Le Nain, le chasseur et le croque-mort se révèle, au-delà de son dispositif, relativement classique, mais l’ensemble se suit avec plaisir, souvent coloré par l’ironie bien noir du narrateur (en l’occurrence le croque-mort) et ouvre habilement cette nouvelle série.

A l’avenir chaque volume mettra en avant, comme chez Sergio Leone, un nouveau trio improbable composé en général d’un rescapé de l’aventure précédente. Sont ainsi attendus pour les albums à venir : une elfe shaman, un shériff, une orc, un juge, une bonne sœur à la gâchette facile, un sorcier, une prostituée et même un ronin comme dans Soleil Rouge. Que du beau monde en sommes.