WALKING DEAD – CLÉMENTINE T.1
Clementine Book One – États-Unis – 2022
Genre : Horreur
Dessinateur : Tillie Walden
Scénariste : Tillie Walden
Nombre de pages : 250 pages
Éditeur : Delcourt
Date de sortie : 02 novembre 2023
LE PITCH
Clémentine – une ado de 17 ans qui a dû apprendre à survivre dans un monde post-apocalyptique – cherche à mettre son passé et ses traumatismes derrière elle. Elle tombe sur un adolescent Amish nommé Amos, et ce duo improbable entame un voyage jusqu’à une station de ski abandonnée du Vermont, où ils rencontrent un petit groupe d’adolescentes tentant de construire une nouvelle colonie loin des rôdeurs.
La survivante
Trois ans après la fin de la série culte de Robert Kirkman et Charlie Adlard, The Walking Dead revient pourtant en comics. Un spin of assez étonnant puisque s’attardant sur le personnage central du jeu vidéo narratif de Telltale Game et confié à la jeune artiste Tillie Walden surtout connue pour ses chroniques intimistes. Mais les personnages n’ont-ils pas toujours été l’argument privilégier de The Walking Dead ?
Diffusé de 2012 à 2018 par le biais de quatre saisons d’aventures textuelles et épisodiques, The Walking Dead : A Telltale Game Series avait effectivement vu la naissance, loin des péripéties épiques de Rick et ses infortunés camarades, d’une nouvelle héroïne dans cet univers apocalyptique : Clémentine. Une gamine orpheline, sauvé in extrémis par Lee, qui deviendra un père, de substitution et que les joueurs ont vu grandir et murir aux grès de leurs décision. Une vraie réussite appréciée aussi manifestement par Tille Walden, détentrice d’un Eisner Award pour son très joli témoignage autobiographique Spinning, qui a directement proposé à Image Comics et Robert Kirkman de lui donner une suite au format papier. Un format ambitieux d’ailleurs puisque chaque volume de la trilogie annoncée sort aussi aux Etats-Unis sous la forme d’unique volumes à la pagination touffue. Et l’enjeu est de taille puisqu’il faut à la fois s’inscrire efficacement dans l’univers de The Walking Dead, préserver la trajectoire et la personnalité du personnage, tout en mettant en avant une écriture inédite et personnelle de l’autrice. Passées les premières pages de l’introduction qui permettent de faire le lien avec le jeu vidéo (et sans doute que pas mal de fan feront un peu la tronche), le récit prend une voie plus indépendante et surtout accessible au plus grand nombre. Marquée par son difficile vécu, Clémentine reprend la route, refusant de se laisser s’attacher à nouveau à d’autres survivants… même si cela va forcément arriver très vite. Elle s’acoquine donc avec Amos, jeune amish partant vers le nord avec la promesse d’un travail (reconstruire un village isolé) et l’opportunité promise de s’envoler en avion.
Grandir dans le monde d’après
Road trip puis huis-clos communautaire au sommet d’une montagne balayé par le vent et les tempêtes de neige, le scénario met, comme c’était chez Kirkman, le plus souvent les zombies en menace d’arrière-plan, se recentrant sur les enjeux humains et les tensions et amitiés qui peuvent éclore au sein des groupes de survivants. Mais point d’adultes à l’horizon ici, Clémentine est une aventure exclusivement adolescente avec tout ce que cela inclut de sentiments exacerbés, de quêtes d’identité, de besoins d’affirmation, de rapprochement amoureux et de rêves d’un monde meilleurs. Une sensibilité joliment apportée par l’écriture de Tillie Walden qui construit solidement et durablement ses personnages face à l’adversité, préservant leur juvénilité sans tomber dans la caricature et cultivant justement cette absence de manichéisme facile qui a toujours fait le sel de The Walking Dead et qui est, comme souvent, la source d’une tension omniprésente. Comme drame sensible et thriller atmosphérique, Clémentine fonctionne très bien, accompagné comme il se doit de la touche graphique toute en fragilité et fraicheur de l’artiste. Comme survival horrifique, le volume se montre beaucoup moins convaincant, peinant souvent à retranscrire efficacement la violence du monde et des évènements décrits, et perdant même en lisibilité lorsque l’action s’accélère à tel point que le lecteur a régulièrement l’impression de s’y perdre un peu.
Une greffe parfois un peu maladroite, mais qui sait aussi offrir de très belles choses à commencer par sa galerie de personnages crédibles, complexes et touchants et la vision d’un avenir qui se doit d’être porté par la jeunesse. Si l’auteur fait quelques petites entorses à The Walking Dead et au jeu vidéo original, elle se les réapproprie joliment afin de les proposer à un lectorat « young adult » cible privilégiée du label Skybound Comet pour Images Comics.