Avec 20000 lieues sous les mers et Le Tour du monde en 80 jours, Voyage au centre de la terre fait certainement partie des œuvres les plus célèbres et réputées de l’illustre Jules Vernes. Et on ne compte en effet plus depuis longtemps les multiples itérations, variations, extrapolations et suites pas vraiment officielles auxquels il a donné naissance. Rien qu’en bande dessinée, les amateurs ont pu assez recemment déguster la version concoctée par Curd Ridel et Frédéric Garcia chez Glénat (dans sa propre collection Les grands classiques de la littérature en bande dessiné) et même en poussant un peu plus loin un manga en trois volumes chez Pika. Le point commun de ces deux là malgré leur amplitude presque opposée, c’est l’illustration totalement humaine et très fidèle du texte d’origine. Un aspect avec lequel le premier album (sur deux) en présence ici a pris ses distances optant pour des personnages anthropomorphisés (en l’occurrence des lapins) ce qui permet en effet d’ouvrir la voie à un décorum beaucoup plus fantastique. Ce Voyage au centre de la terre est ainsi aussi nourri par le fantasme qu’ont les lecteurs de l’univers de Jules Vernes, où l’on peut dès lors observer dans les maisons, les rues et le ciels des machines steampunk aux accents presque miyazakien.

Les rois de la spéléo

D’ailleurs comme l’avait déjà prouvé leur précédente collaboration La Ferme des animaux, l’illustrateur Patrice Le Sourd (Un Autre monde, Océane et le secret de l’eau de cristal) est beaucoup plus à l’aise dans ce type de fantaisies que dans des approches réalistes, ses dessins tout en rondeur, le grain qu’il laisse apparent et la colorisation plutôt délicate offrent une atmosphère légèrement naïve et rétro particulièrement agréable. Cependant, en découpant cette proposition en deux albums, l’éditeur (ou les auteurs) réservent les éléments les plus spectaculaires au second tome à venir, et laissent celui-ci un peu piégé dans le minimalisme d’une longue et difficile exploration de boyaux souterrains. En dehors d’une planche en pleine page mettant en valeur le fameux volcan islandais, le reste semble autant écrasé par un découpage resserré que par les parois oppressantes des grottes et autres cavités. L’aventure manque encore de mordant et n’est pour l’instant qu’une succession d’étapes sans grandes péripéties, vers les grandes surprises attendues dans la partie finale.

On peine ainsi pour l’instant à retrouver le souffle du roman original (qui certes s’entamait par de nombreux concepts scientifiques) et on peu aussi se questionner sur la pertinence du changement de sexe d’Axel. Devenue Axelle, nièce et accompagnatrice du professeur Lidenbrock, elle doit désormais dissimuler sa féminité dans des chausses masculines, mais se fait rapidement découvrir par Hans Bjelke, le guide local, et seul autre personnage marquant du roman. Est-ce que là aussi l’impact sera plus notable dans le deuxième album ?