VOLAGE, CHRONIQUE DES ENFERS
France – 2022
Scénariste : Stephen Desberg
Illustrateur : Tony Sandoval
Editeur : Daniel Maghen Editions
Pages : 140 pages
Date de Sortie : 18 février 2022
LE PITCH
Ian McGilles se réveille en Enfer. Qu’a-t-il fait pour mériter cela ? McGilles partage sa prison avec plusieurs autres captifs, habitués du lieu, qui ne tardent pas a se présenter. Des criminels de guerre, des personnages historiques et des tueurs en série qui ont cent fois mérité leur place en ce lieu. Cette inquiétante assemblée lui fait part d’un projet auquel ils veulent l’associer : il s’agit ni plus ni moins que de s’évader de l’Enfer.
Évangiles écarlates
Talentueux illustrateur de Mille tempêtes, Le Cadavre et le sofa ou Le Serpent d’eau, Tony Sandoval revient, cette fois-ci accompagné du scénariste Stephen Desberg (Le Scorpion, I.R.$…), pour nous entraîner en enfer… Entre douleurs et, forcément, poésie.
Versant éditeur d’une célèbre galerie d’art dédiée aux grands noms de la bande dessinée, la collection d’album Daniel Maghen devait forcément un jour croiser la route de Tony Sandoval. Un artiste d’origine mexicaine qui cultive un imaginaire ésotérique et onirique très marqué, et qui réussit à marier la délicatesse de son trait avec des atmosphères inquiétantes, souvent morbide. Surtout, ses planches sont toujours admirablement travaillées en couleurs directes, offrant le rendu sensitif de toiles à l’aquarelle, venant rehausser une dynamique expressive et un découpage particulièrement fluide. Ses dessins sont beaux tout simplement, mais cache derrière les airs graciles et juvéniles de ses héroïnes, une part d’ombre omniprésente. Vétéran de la BD francophone, ayant aussi bien œuvré sur Gil Jourdan, Billy The Cat que Black Op ou l’année dernière sur le joli Les Rivières du passé, Stephen Desberg lui offre d’une certaine façon un véhicule idéal pour son art. Un détour dans les royaumes des enfers aux cotés de Ian McGilles, fraîchement condamné pour ses agissements sur terre, et qui aux cotés de quelques codétenus célèbres comme Ann Bonny, Gesualdo ou Jack l’éventreur, entreprend de s’échapper de ces lieux maudits.
Chroniques amoureuses
Une course poursuite s’engage alors avec la petite troupe et le gardien des lieux, terrifiant équarrisseur accompagné de sa meute de chien voraces, qui va les amener à traverser des paysages dantesques, dangereux pour sûre, où les attendent les démons de leur propre culpabilité… Mais l’anti-héros va croiser en cours de route Volage, jolie ange, chassé du paradis pour avoir succomber aux charmes d’un démon, et malgré la traque acharnée, l’espoir pourrait renaître. Une aventure qui deviendrait presque romantique, lyrique, laissant percer la lumière au travers de la barbarie humaine, qui ne serait sans doute pas aussi touchant dans sa mélancolie si Sandoval ne s’y donnait pas corps et âme. A nouveau plus de cent pages offertes d’un même tenant déployant toute la flamboyance de son talent, surprenant presque à chaque page par la monstruosité de ses créatures infernales, la puissance dégagée par un gardien acharné, l’ampleur considérable des paysages décharnés et décadents et ce jeu absolument éclatant des couleurs, noirs écrasants, gris et beiges cendrés et surtout un rouge bordeaux, couleur sang, qui se confond souvent avec les flammes. Gardant en tête aussi bien les toiles des maîtres Edvard Munch et Pieter Huys, Sandoval travail une vision médiévale, chrétienne et ancienne de l’enfer, mais sait aussi y apporter quelques touches plus modernes en se rapprochant de certaines formes de Mike Mignola ou du versant plus grotesque de Go Nagai.
Le récit imaginé par Stephen Desberg oblige l’artiste à délaisser quelques peu son habituels fond contemplatif et donc une émotion plus délicate, mais plastiquement c’est encore et toujours aussi estomaquant.