VEI
Vei Book 1& 2 – Suède – 2017
Genre : Fantasy, Aventure
Scénariste : Sara B. Elfgren
Illustrateur : Karl Johnsson
Editeur : Ankama Editions
Pages : 344 pages
Date de Sortie : 14 mai 2021
LE PITCH
Sauvée de la noyade par un bateau Viking, Vei se retrouve au centre d’un jeu cruel opposant les Géants de Jötunheim et les dieux d’Asgard. Pour sauver sa vie et celle de son peuple, elle va devoir affronter les plus puissants guerriers des Ases et déjouer les pièges tendus par Odin, leur roi.
Géant !
Proposé par Ankama sous la forme d’une superbe édition intégrale en dos toilé, Vei revisite la mythologie nordique en lui rendant toute son ambiguïté, sa fougue et ses outrances. Une fresque puissante et dévastatrice mais qui ne manque jamais de délicatesse.
Même si les mythes et légendes vikings, si ce n’est leurs plus belles prouesses, sont redevenus à la mode ces dernières années, le panthéon d’Odin est souvent réduit à sa portion la plus restreinte et surtout à une vision relativement classique, marquée par les nombreux emprunts anglo-saxons, ramenant chaque figure à l’habituel cadre manichéiste. Pourtant à l’origine, ces dieux sont, comme leurs cousins égyptiens ou grecs, bien plus proches des humains dans leurs actions, dans leurs sentiments et dans leurs rapports changeant avec les notions de bien et de mal. Réalisé par des Suédois d’origine, Vei leur redonne toute leur dimension et opère quelques glissements bienvenus, écartant le trop binaire Thor pour faire de Loki le véritable atout du récit, demi-dieux très loin du machiavélisme de Marvel, jouant et abusant de ses capacités de transformations (formes, âge, sexe…) pour prendre la place d’un metteur en scène bien moins égoïste qu’il n’y parait. Face à lui, ou à côté de lui, se hisse Vei, la véritable héroïne du récit, jeune guerrière au sang imprégné de la magie des géants Jotnars, qui devient le dernier espoir dans le tournoi séculaire que livrent ces derniers aux Ases. L’enjeu étant ni plus ni moins que le contrôle de Midgard (la terre des hommes) et la place de dieux primordiaux dans les croyances de ces derniers.
Le quatrième âge
Une révision très inspirée du célèbre Ragnarök, qui déporte la grandeur mythologique d’autrefois, courage terminal d’un panthéon guerrier, vers les « frêles » épaules d’une héroïne perdant rapidement ce qu’il lui restait d’innocence, découvrant que ses enseignements, ses croyances et ses sacrifices n’étaient qu’au service d’esclavagistes prenant les humains pour des insectes, des jouets ou au mieux de charmants objets de collection. Une trajectoire en parallèle de celle de Dal, guerrier viking entièrement dévoué à son prince capricieux, qu’elle va prendre sous son aile, puis comme amant et amis, et qui voit le sens de sa vie dévoyé d’un simple coup de pied par une valkyrie grotesque. Si le coup de crayon de Karl Johnsson a effectivement quelque-chose de très doux, de très rond, un peu à la manière de Jeff Smith, et que son approche de la Fantasy affirme clairement un engouement pour le merveilleux, la cruauté du récit et des évènements n’en est bien souvent que plus frappante. Surtout lorsque la petitesse de Vei et de ses consœurs humaines se retrouvent écrasée par l’échelle du conflit qui s’apprête à exploser à nouveau devant eux. Un peu à la manière de la série des Ogre-dieux d’Hubert et Gatignol mais où la contenance politique serait moins lourdement assénée.
Paysages sublimes, créatures fantastique imposantes, batailles vives et brutales, Vei est une saga particulièrement réussie par cette alliance entre l’épique et la sensibilité profonde des émotions, des sentiments et des questionnements qui animent tout ce « petit » monde. De belles prouesses pour l’autrice Sara B. Elfgren que certain connaissaient peut-être pour sa trilogie ado Le Cercle des jeunes élues et qui signe là sa toute première BD. Un petit bijou de 350 pages qui pèse très lourd.