Dans un avenir que l’on n’imagine pas si lointain que cela, l’homme aura enfin réussi à dompter son environnement et à trouver un équilibre parfait dans une vie où chacun est heureux et utile à la société. Des individus cajolés par des êtres artificiels servants tout autant de serviteurs et de service d’ordre, mais aussi des androïdes, babes ou boys, pour gérer la maison et assouvir le moindre désir. Le couple n’existe plus, la famille non plus, et seul compte l’individu et la société. L’histoire elle-même à largement été gommée, toujours en cours de réécriture et de standardisation pour ne surtout heurter ou embarrasser plus personne… et surtout empêcher chacun de s’en inspirer, de s’en instruire pour évoluer. Utopie donc, une variation évidente autour de quelques classiques comme Le Meilleur des mondes, Fahrenheit 451 ou 1984, où très vite de profondes inégalités apparaissent entre les privilégiés et les rejetés, et où le maintien d’un ordre aseptisé nécessite de nombreux interdits et tabous.

2024

Le point d’ancrage du récit est alors comme il se doit un homme sans histoires, qui par la découverte d’un livre (un vrai en papier !) dans la poche de son manteau et quelques regards fugaces envoyés par une très jolie brune, va peu à peu découvrir la réalité trouble de son monde et le potentiel de la reconquête de la liberté. Rodolphe y connait à son affaire, construit solidement son récit, assurant un divertissement tout à fait rythmé, mais n’arrive jamais vraiment à y apporter, pour l’instant, d’éléments nouveaux, de petite trouvailles, de grain de sable qui pourrait perturber un lecteur confortablement assis sur ses références. On se doute bien que de témoin malgré lui, ce Will Jones va rapidement être traqué à son tour pour sa différence, et finira dans les albums suivants à découvrir les origines de ce statuquo et devenir le moteur de son effondrement. Rodolphe a toujours aimé cultiver une touche un peu rétro, préserver une certaine naïveté du genre propre aux années 70 / 80, au risque comme ici de manquer clairement d’un peu de modernité en ne prenant pas en compte des problématiques (sociales, environnementales…) plus contemporaines. Un peut coté désuet amené aussi par les illustrations de Griffo (Iruène, Dickens & Dickens…) que l’on a connu beaucoup plus évocateur et pointu dans son trait.

Un premier album pas inintéressant mais définitivement trop classique et prévisible pour véritablement passionner. Une simple mise en bouche avant les choses sérieuses prévues pour les deux tomes annoncés de cette trilogie ? A voir.