TRESE T.1
Trese #1-3 – Etats-Unis – 2005 / 2021
Genre : Fantastique, Action
Scénariste : Budjette Tan
Illustrateur : Kajo Baldisimo
Éditeur : Delcourt
Pages : 272 pages
Date de Sortie : 16 mars 2022
LE PITCH
Quand le soleil se couche sur la ville de Manille, ce n’est pas le moment de faire un faux pas ou de trainer dans les couloirs mal éclairés du métro, là où les aswang suceurs de sang dirigent un réseau d’enlèvement, où les kapre sont les chevilles ouvrières du crime et les engkantos passent entre les mailles du filet et volent vos biens les plus précieux. C’est là qu’intervient TRESE…
The Chosen One
Apparu sur le réseau Netflix en juin 2021, Trese : Entre deux mondes a permis à de nombreux spectateurs de faire connaissance avec le folklore philippin. Une série mystique et horrifique qui prend ses racines du coté d’un Komiks (comme ont dit là-bas) devenu incontournable dans son pays d’origine et que Delcourt à la bonne idée de traduire chez nous.
Comme il est de coutume, on réduit bien trop souvent la bande dessinée aux trois pôles archi rabattus que sont le franco-belge, le comic et les mangas. Mais l’art de la BD se développe avec plus ou moins de bonheur sur tous les continents et dans presque toutes les cultures… Et parmi ceux-ci les Philippines ont longtemps été un immense vivier de créateurs, d’artistes et d’univers rivalisant même avec le modèle US. Un historique parfaitement rappelé dans les appendis de l’édition concoctée par Delcourt et où Trese s’inscrit comme l’un des derniers gros cartons locaux. Une série qui a pourtant assis sa renommée progressivement, se faisant tout d’abord connaitre en ligne ou en prépublications publicitaires, puis en fascicules et enfin en volumes, transformant l’héroïne Trese en véritablement icone populaire s’offrant même quelques crossovers dans des titres voisins. Un engouement qui s’explique justement par l’encrage primordial du titre dans les mythes et croyances du pays, par sa volonté de raviver des particularismes culturels et de les inscrire dans le monde moderne. Dans Trese donc élémentaux, fantômes, monstres nocturnes, vampires, dieux oubliés et autres gnomes cohabitent plus ou moins pacifiquement avec les humains. Un équilibre fragile sur lequel veille Trese, jeune femme ultra stylée, maitrisant les secrets obscurs et constamment protégée par deux gardes du corps / familiers masqués, et à laquelle les autorités font appel dès qu’un crime touche à la magie ou au mystérieux.
Né quelque part
Si comme dans le dessin animé, le Komiks a depuis largement développé son histoire et les origines de l’héroïne, dans les deux premiers volumes réunis ici, les histoires prennent uniquement la forme de one-shot s’attardant sur une enquête à la fois. Des trames de romans noirs, incrustés dans la réalité sociale peu reluisante des Philippines d’aujourd’hui (entre bidonvilles et buildings luxueux) où les agissements de ces curieux Aswangs, Tikbalangs, Tiyanak, ou Duendes sont surtout les révélateurs des faiblesses de l’âme humaine : délinquance, tromperies, malversations, jalousies, misogynie, travail des enfants… Les démons affichent certes parfois des crocs acérés ou même un corps de cheval géant, mais ils ne sont bien entendu que les personnifications d’un mal plus réel que va devoir exorciser la détective de l’étrange. Une mythologie fascinante pour un lecteur occidental et une construction scénaristique toujours maitrisée, efficace, qui donne à ce premier album des airs d’anthologie complète, comme une introduction à un monde plus vaste encore. La série prend donc ses marques, tout comme l’illustrateur Kajo Baldisimo qui débute par une ligne extrêmement fine, des textures et angles très mangas dans les premières pages, avant de s’affirmer de chapitres en chapitres en creusant des aplats plus présents, des contours plus simples mais plus évocateurs. D’ailleurs rien de mieux qu’un noir et blanc parfaitement tranché, que des contrastes aussi frappants, pour dépeindre un monde où la frontière entre le réel et le surnaturel s’insinue avec autant de naturel et d’évidence.