Un artiste sans doute encore trop peu connu par chez nous malgré quelques apparitions dans la revue nouvelle génération de Strange et la traduction de ses biographies illustrées de Jack Kirby et Stan Lee, mais qui reste l’une des grandes signatures de la BD américaine undergroud. Son plus grand succès éditorial reste sa longue collaboration avec Joe Casey à la grande saga rétro cosmique Godland. Tout cela a effectivement une logique puisque Tom Scioli est un artiste traumatisé par l’âge d’or des comics et ne cesse de rendre hommages à ces super-héros dynamiques, décomplexés, joyeusement kitchs, et aux plus grands artistes de l’époque avec en tête de file le King Jack Kirby et le très Pop Art Jim Steranko. Pas vraiment étonnant qu’il se sente comme un poisson dans l’eau lorsque IDW lui offre une carte blanche sur deux de ses plus grosses licences : Transformers et G.I Joe. Deux licences phares non pas des 60’s mais bien des années 80 et qui firent alors les belles heures des tranches animées pour gamin et des périodiques signées Marvel (réédités justement ces derniers temps chez Vestron). Mais l’artiste ne fait pas vraiment grand cas de ce fossé de générations et réorganise toute la mythologie des deux univers à sa façon, ré-imaginant surtout leur première confrontation dans un simulacre de crossover à l’ancienne, méchamment rétro, et où les évènements, on ne peut plus chaotique, s’enchainent à toute berzingue.

The Fourth Wall

D’ailleurs dès que les premiers Transformers posent leur pied sur une terre malmenée par les affrontements incessants entre les Joes et leurs ennemis jurés de Venom, tous les équilibres semblent rompus, les alliances ne vont jamais là où on le pensait, et les escarmouches sur notre bonne vieille planète sont très rapidement alternée avec une invasion de cybertron à coups de bombes biologiques. Coups de théâtre à foison, coups de chapeau et revirements spectaculaires, le scénario part dans tous les sens, virevolte entre le premier degré militaire, l’auto-parodie et les délires cartoons (une victoire et hop une petite danse !) et surtout s’échappe dès qu’il le peut vers quelques délires cosmiques entre Ragnarök façon Le Quatrième monde de Kirby et cosmogonie cauchemardesques à la Lovecraft. Le lecteur s’accroche comme il peut à la couverture, bien décoiffé, voir ébouriffé et certainement décontenancé par une liberté narrative qui peut aisément glisser dans le non-sens et le délire relativement hermétique. Une sorte de collage, de patchwork sans queue ni tête, jamais très loin des grandes aventures imaginées par un gosse dans sa chambre avec sa collection de figurines, mais constamment peint avec toute la posture hypertrophiée des œuvres de Kirby (encore et toujours), ses visions grandioses d’odyssées spatiales et dieux aliens et l’inventivité déconstruite et maniériste du Steranko de Nick Fury Agent of Shields ou la douce folie hallucinogène du Steve Ditko de Doctor Strange.

De belles références pour un comic foutraque, tour à tour impressionnant et hilarant, dont les contours expérimentaux et la propension au bordel tout juste chorégraphié en font définitivement une proposition à part. Inutile de proposer que toutes les péripéties regroupées ici n’ont définitivement aucun lien avec les chronologies officielles…