TOUTES LES MORTS DE LAILA STARR
The Many Deaths of Laila Starr #1-5 – États-Unis – 2021
Genre : Fantastique
Scénariste : Ram V
Illustrateur : Felipe Andrade
Éditeur : Urban
Pages : 128 pages
Date de Sortie : 06 mai 2022
LE PITCH
Mumbai, de nos jours. Mme Shah, en plein travail et coincée dans un embouteillage, hurle sur son mari au téléphone. Laila Starr, une jeune femme déjà fatiguée de tout, est allongée sur le rebord d’une fenêtre ouverte, plusieurs étages au-dessus du trafic. Et plus haut encore, bien au-delà des nuages, la déesse de la Mort est convoquée dans le bureau de son patron. Ces trois destins se rejoignent au moment où, simultanément Laila saute dans le vide, Mme Shah donne naissance à son fils Darius, et la Mort est renvoyée sans ménagement. Dans un futur, Darius est en effet celui qui découvrira le secret de l’immortalité et reléguera la Mort au rang de désagréable souvenir.
Quelques particules d’étoiles
Auteur du sublime These Savage Shores et désormais collaborateur récurent de DC sur Swamp Thing ou Catwoman, Ram V reprend le large pour quêter l’existence d’un nouvel être éternel : la mort elle-même. Et rien de mieux que la mortalité pour embrasser la beauté de l’existence. Un superbe poème graphique, ironique et gentiment philosophique.
La mort a toujours été une grande professionnelle, mais malheureusement la voici licencié après des millénaires de bons et loyaux services car la naissance d’un certain Darius Shah, promis à la découverte du secret de l’immortalité, est aussi une confirmation de son obsolescence assurée. Elle s’empare cependant de la proposition d’être incarnée dans un corps de mortel pour tenter de mettre fin à la vie de ce nouveau né menaçant. Mais la vie étant ce qu’elle est, désormais dans le corps d’une Laila Starr suicidaire, la mort semble incapable de mettre ses menaces à exécution, constamment rattrapée par des décès implacables, et souvent ridicules, qui marquent chaque fin de chapitre de la série, et une nouvelle ellipse de quelques années. Très loin de la quiétude d’un Rendez-vous avec Joe Black où l’entité découvre la beauté éphémère de la vie humaine, Toutes les morts de Laila Starr a tout de la course effrénée après une finalité inévitable, l’avatar ne cessant de croiser le simple Darius Shah au cours des décennies.
Nirvana
Elle le voit grandir, éprouver la vie dans toute sa cruauté, subir les pertes les plus douloureuses, alors qu’elle-même s’imprègne de plus en plus des petites choses qui en font toute la saveur, brulant la chandelle par les deux bouts… Avant de prendre feu dans un incendies accidentel. Pas de super-héros, de combats ou de grands pouvoirs à mettre en scène, le panthéon indien est ici réduit à une organisation bureautique froide et ordonnée, où seul La Vie, décidément très attaché à Mort, tente vraiment de l’aider sur sa route. Bien entendu le message même du comics est archi rabattu, mais le ton doux-amer du récit, la finesse de l’écriture – donnant même la voix du narrateur à une cigarette en train de se consumer- et le croisement parfait entre la transcendance d’un Sandman de Neil Gaiman et les décors des plus charnels et vibrant de l’Inde aux milles couleurs (la séquence des funérailles est splendide), emporte totalement l’adhésion. Rien d’étonnant à ce qu’un artiste comme Gabriel Bà (The Umbrella Academy, Daytripper) vient déclamer sa passion pour Toutes les morts de Laila Starr dans une introduction passionnée tant le travail graphique de Felipe Andrade (Star, Rocket Raccoon & Groot, Venom…) s’inscrit dans une même énergie vive, moderne, vibrante, capturant le mouvement, la frénésie de la vie, mais aussi ses grands moments de plénitude, colorés par des teintes chaudes et terriennes. Le choix porté sur un format d’album plus larges que d’habitude, permet de plonger totalement dans ce voyage initiatique fantastique. Une petite leçon de vie ?