Retour quelques années en arrière alors que pour l’inauguration de l’exposition « Fabcaro ou la Zaï Zaï Zaï Zaï attitude » les vieux compères se retrouvent tous au gite. La période est au COVID et aux longues soirées d’hivers sous couvre-feu à attendre que la nuit passe. Et plutôt que sortir la guitare et entonner des chants scouts, les auteurs de BD, rappelés par leur naturel (au galop), se mettent à imaginer une drôle d’histoire où chacun jouera son propre rôle, lancé sur les routes de France en direction de Boucheporn pour célébrer le triste anniversaire d’un terrible accident d’avion dont ils auraient été les seuls survivants. Des flashbacks trop fréquents, une jambe qui aurait été mangée à défaut de gâteaux secs, des amitiés détruites et une vengeance qui se prépare sont au programme de cet album (tout en souplesse) où chacun joue avec ses propres codes de l’autofiction tout en prenant le relais des conneries du copains. La lecture se fait comme un passage de relais alternant les planches dessinées par B-Gnet (Glouton, La Plume est plus forte que l’épée…), Guillaume Bouzard (Les Poilus, La Bibite à Bon dieu…), Fabrice Erre (Ariane et Nino, Une Année au lycée…), Fabcaro (Open Bar, Moon River…) et Gilles Rochier (Faut faire le million, Les Trois mousquetaires…), toujours en noir et blanc mais avec des changements de style bien tranchés.

Crashendo

Au départ les espaces de chacun sont bien réparties, les trames parallèles ou chacun de nos musiciens en herbe (gong, djembé ou grosse caisse) entament leur périple foireux bien défini, mais rapidement bien entendu (et c’est ça qui est drôle) le rythme des péripéties s’accélère et les limites s’effritent, les uns et les autres venant plus ou moins perturber les copains s’invitant pour un dessin, un commentaire, une case… Un joyeux fourre-tout qui part un peu dans tous les sens, multiplie les gags à répétitions et les auto-références, les voitures mal dessinées, les arbres coupées avec des tronçonneuses haute qualité, les dialogues et situations totalement absurdes où il est constamment évident que les premiers à s’amuser sont les auteurs. Les petits pics sont autant d’accolades, les fausses méchancetés sentent bon l’amitié vacharde et tous finalement manient aussi parfaitement l’autodérision… et ces blagues de gosses où affleurent une petite pointe de cruauté et d’humour noir. Aucun des artistes n’a la prétention de signer là l’une de leurs œuvres maitresses, mais ils s’adonnent généreusement à une petite expérience narrative et graphique qui creuse à la fois leurs propres et le même sillon.

Désormais tous considérés comme des figures de pointe de la BD moderne (on dit ça pour leur faire plaisir) multipliant les projets dans les grandes maisons d’éditions, ils reviennent comme à la recrée dans la petite boite qui les a fait démarrer. C’est un peu la réunion d’anciens élèves à 6 pieds sous terre, mais où y aurait que ceux qui s’assaillaient au fond de la salle.