Connu sous le diminutif de Trif lorsqu’il faut jouer tel un gentil polisson avec les contes de notre enfance, Francesco Trifogli reprend son patronyme complet lorsqu’il propose des aventures plus grand public. Toujours artiste complet, accompagné par le camarade Andrea Celestini aux couleurs, il se montre ainsi tout aussi passionné par les mœurs érotiques de personnages bien connus (voir ces titres publiés chez Tabou BD) que par les méandres des grandes aventures historiques. Il avait ainsi déjà démontré ses talents, et son grand intérêt pour les décors antiques, dans la série Le Feu de Thésée, et il prolonge d’une certaine façon cette atmosphère avec Thrace qui se tourne lui vers la grande époque de la Rome triomphante. Dans l’ombre du centre du monde, on découvre ici deux jeunes gens, Adriano et son esclave gaulois Cleio, élevés presque comme frère et sœur par un ancien noble de l’empire, ayant choisi le calme de Pompéi. Malheureusement l’éruption du volcan et le caractère tyrannique d’un oncle assujetti aux règles de la bonne société vont les séparer. Elle deviendra épouse d’un sénateur, lui relégué dans l’arène des gladiateurs…

… Et Ultra

 L’enjeu de ce triptyque est bien entendu de les réunir et surtout d’observer comment ces deux âmes libres, rejetant les notions d’esclavage et de devoir injustes, vont réussir à survivre au cœur des enjeux politiques de la cité. Un point de départ plutôt classique il est vrai, mais que Trifogli dote d’un véritable souffle, en prenant d’installer aux cours de la première moitié de l’album la relation profonde, et rapidement amoureuse, qui lie les deux héros. De leurs jeunesses à leurs quelques mois de larcins car livrés à eux même, ils sont effectivement très attachants et marqués par une volonté accrocheuse. L’autre grande qualité de l’album est d’inscrire avec beaucoup de précision et de détails, le récit dans un contexte historique et civilisationnel très marqué. Des différentes strates de la société romaine au vocabulaire latin (toujours expliqué en bas de page) jusqu’à quelques références à des faits connus, Thrace se montre toujours crédible et convaincant. Toutes les qualités d’un péplum classique mais avec une fibre narrative plus moderne, bien entendu admirablement véhiculé par le style toujours aussi fin et harmonieuse de l’illustrateur, donnant une vraie grâce aux traits des personnages, des précisions très agréables dans les costumes et des évocations très agréables dans les décors. Un premier tome réussi, qui installe solidement les base de l’aventure plus tragique encore à venir.