THELLUS : LE CYCLE D’EVA SAMAS T.1 & LE CYCLE DE KAD MOON T.1
France / Italie – 2024
Genre : Space Opera
Dessinateur : Carlos Gomez, Laura Zuccheri
Scénariste : Simona Mogavino
Nombre de pages : 56 et 56 pages
Éditeur : Glénat
Date de sortie : 02 mai 2024
LE PITCH
Élevée dans les entrailles de la mine d’or de Kitum, Eva est piégée dans un monde où la vieillesse n’existe pas car toute personne est exécutée dès son cinquantième anniversaire. Les Maîtres, tyrans de cet univers, envoient des chasseurs armés d’essenceurs, qui fusionnent le sang humain avec de l’or pur pour créer de l’Energite, un mystérieux liquide essentiel à leurs sombres desseins… La vie d’Eva prend un tournant dramatique lorsque Priol, son frère rebelle, affronte un chasseur venu extraire le sang d’un vieux mineur.
Six mois après les événements de Kitum, à des milliers de kilomètres de là, dans le territoire reculé de Tuge, la vie de Kad-Moon, héritier du Maître Suprême Bars-All, est bouleversée. Une révolte populaire a éclaté, alimentée par les cris du peuple clamant le nom d’Eshtar. Les rues sont rouges du sang des Maîtres, et Kad-Moon échappe de justesse au massacre grâce à l’aide de sa servante Lyn, une Fange.
Les deux hémisphères
Projet atypique, Thellus se présente sous la forme de deux cycles de deux albums, édités en parallèles, et qui trouveront leur conclusion dans un 5ème albums réunissant les deux trames. Aguichant, surtout que l’univers imaginé est riche et florissant et que les prestations graphiques sont de très haute volée.
Glénat édite donc les premiers tomes respectifs de chaque branche à la même date. Pourtant les évènements décrits dans Le Cycle d’Eva Samas devancent de quelques mois ceux présentés dans Le Cycle de Kad Moon, même si c’est bien dans ce dernier que se déroulent les plus grands bouleversements. Une révolution pour être plus précis, dans laquelle le peuple humain autochtone de la région tropicale de Tuge vient de renverser la dictature du maitre auto-proclamé, représentant d’envahisseurs colons s’étant érigés il y a quelques siècles en grands protecteurs… et grands esclavagistes. D’un coté un jeune prince échappe de justesse du massacre annoncé, et va découvrir en explorant la jungle alentour et en subissant les moqueries de son sauveur, que les valeurs qui lui avaient été inculquées sont loin de faire l’unanimité. De l’autre, du coté de la plus désertique Kitum, la renégat Eva Samas cherche autant un moyen de venger la mort de son frère que d’échapper aux milles dangers de la société barbare et des multiples dangers de la planète. Si pour l’instant seul un personnage secondaire a fait le voyage d’un album à l’autre et que les décors respectifs de chaque série cultivent leurs différences géographique et écologiques, une certaine logique se met progressivement en place et cette progression parallèle permet effectivement de se rendre plus aisément compte de l’étendu de l’univers mis en place.
D’un bout à l’autre
Autrice d’une terrible chronique de guerre avec Bienvenue au Kosovo ou d’évocations plus historiques et romancées avec les séries du Chevalier d’Eon et Les Reines de sang, l’italienne Simona Mogavino s’essaye pour la première fois à la science-fiction et ne manque effectivement ni d’inspiration ni de talent. Si les deux trames établies pour l’instant se révèlent relativement classiques avec un aspect quête initiatique de space opera totalement assumé, son Thellus est surtout particulièrement marquant par sa multitude de détails sur les organisations sociétales, le régime politique en place, les différentes espèces croisées et la description d’un monde alien particulièrement foisonnant et complexe. Certaines bestioles peuvent même parfois se montrer particulièrement curieuses, voir casse-gueule (les montures aux airs de centaures abrutis), mais tout s’imbrique efficacement amenant peu à peu le lecteur à découvrir les nombreux secrets cachés et les héros à prendre leur place dans la dramaturgie à venir.
Les personnages secondaires sont nombreux, les petits particularismes locaux tout autant, mais les deux artistes qui accompagnent le concept gardent une certaine cohérence tout en faisant preuve de complémentarité. Croisé chez Marvel, sur la licence Red Sonja et en France sur Les Reines de sang, l’argentin pousse son trait dans le détail, dans l’encrage épais et un relief pointillé à la Corben pour décrire les bas-fonds de Thellus et le segment le plus sombre et brutale des deux : Le Cycle d’Eva Samas. L’italienne Laura Zuccheri, déjà spécialiste des exoplanètes et des faunes étranges avec la saga Les épée de verre et Retour sur Belzagor, exploite son sens du détail, ses panoramas renversants et un certain sens du merveilleux à la Avatar pour accompagner le périple rocambolesque du protagoniste du Cycle de Kad Moon.
Deux versants d’une même histoire, deux facettes bien tranchées de la même planète, deux destins que l’on imagine extraordinaires et deux voyages dépaysants dont on s’essaye déjà à imaginer la réunification dans le volet final. Une bonne idée et un bon départ.