THE NICE HOUSE ON THE LAKE
The Nice House On The Lake #1-6 – Etats-Unis – 2021/2022
Scénariste : James Tynion IV
Illustrateur : Martinez Alvaro
Editeur : Urban Comics
Pages : 184 pages
Date de Sortie : 03/02/2023
LE PITCH
Tous les conviés connaissent Walter – enfin, ils le connaissent un peu, en tout cas. Certains l’ont rencontré dans leur enfance, d’autres l’ont rencontré quelques mois auparavant. Et Walter a toujours été un peu… absent. Mais après une année difficile, personne n’allait refuser l’invitation de ce dernier dans une maison de campagne située à l’orée d’un bois et avec vue sur lac. C’est beau, c’est opulent, c’est privé – de quoi supporter les petites combines et les surnoms bizarres donnés par Walter. Mais ces vacances de luxe revêtent très vite des airs de prison dorée.
Weekend chez Walter
Quelques semaines après la publication de son spin of de Sandman, Nightmare Country, Urban Comics embraye avec l’autre carton horrifique récents de James Tynion IV : The Nice House on the Lake. Un week-end grand luxe entre amis qui se transforme en antichambre de l’apocalypse. Malin et scotchant.
C’est effectivement un point de départ relativement classique dans le petit monde de la fiction. Un riche excentrique plus ou moins proche de sa bande d’amis, pour certains depuis la fac, invite les meilleurs d’entre eux à passer quelques jours de rêve dans sa villa isolée et idéale en plein mielleux d’une forêt privatisée. Là selon le genre et les goûts de l’auteur, le récit peut bifurquer vers la grande comédie dramatique où l’équilibre de la bande vole en éclat sous le coup d’une révélations théâtrale (on appelle ça « un film de copains »), où bien s’enfoncer dans les tréfonds de l’horreur psychologique puisque l’un d’entre eux n’est absolument pas ce qu’il a toujours prétendu être. D’une certaine façon James Tynion IV a l’excellente idée de ne jamais vraiment choisir dans quelle voie il s’engage. Car effectivement après les retrouvailles consommées, et les presque premières rencontres pour certains, et surtout une bonne soirée bien arrosée, le couperet tombe : à l’extérieur c’est l’apocalypse. Pluies de feu, explosions et chairs qui fondent… alors que les occupants de la jolie maison près du lac semblent mystérieusement préservés. C’est bien entendu l’étrange Walter, confident de tous et bizarrement intriguées par les différentes formes de fin du monde existantes, qui semble être à l’origine de la situation. Comment ? Pourquoi ? Seule la lecture de la maxi série de 12 chapitres de The Nice House On The Lake devrait apporter toutes les réponses. Si sa trilogie Memetic, Cognetic et Eugenic creusant des thématiques proches est toujours inédite en France, il n’en reste pas moins que le point de départ de ce comics est certainement l’un des plus réussi de son auteur.
Un dernier verre avant la fin du monde
Aguicheur dès les premières pages qui jouent de flashforwards dans un avenir désolé et de flashbacks pour disposer graduellement nombres d’indices sur la direction que le récit prend ou devrait prendre, The Nice House on The Lake dissémine de pages en pages nombre d’éléments étranges et cryptiques qui viennent charpenter un mystère palpitant. Superbement mises en scènes par Martinez Alvaro (Detective Comics, Justice League Dark), les planches travaillent ainsi cette même proximité entre un réalisme émotionnel certains et un glissement constant des matières et des couleurs qui vrillent vers l’évocation plus atmosphérique. Une forme de huis clos dans un paysage presque idyllique, renfermé par une voûte invisible, parsemé de statues dont l’une permet de voir l’état du monde extérieur (et les autres), où l’on trouve un bâtiment comme un blocs de marbre noir à l’opposé du lac, où l’on suit avec tension les découvertes et les questionnements de protagonistes poussés dans leurs derniers retranchements. Car si la mythologie propre au récit semble déjà parfaitement rodée et organisée, la lecture n’est motivée que par la petite troupe de personnages, tous obligés de remettre en cause leur existence, leur manière de vivre et l’équilibre de leurs rapports aux autres. Autant un thriller fantastique qu’une étude de personnages donc, dont l’intérêt est constamment relancé par une énième révélation, un nouvel indice qui peut faire bifurquer la trame. Le récit sait aussi poser les bonnes questions, sur les notions de conditions de vie, de valeurs essentielles et de points de ruptures d’une humanité toujours trop passive face aux dangers annoncés.
Un équilibre très réussi qui n’est pas sans rappeler fréquemment les premières saisons passionnantes de Lost, avant que l’explication posée ne plombe tout. En espérant que The Nice House On The Lake ne nous fasse pas le même coup.