THE RIDDLER ANNÉE UN
The Riddler: Year One #1-6 – Etats-Unis – 2022 / 2023
Genre : Thriller
Dessinateur : Stevan Subic
Scénariste : Paul Dano
Nombre de pages : 240 pages
Éditeur : Urban Comics
Date de sortie : 02 février 2024
LE PITCH
Dans le film à succès de Matt REEVES, The Batman, le Riddler n’est pas simplement un joyeux excentrique ayant un goût prononcé pour les jeux de mots et les indices déconcertants, mais un véritable psychopathe aussi énigmatique qu’impitoyable. Comment Edward Nashton, expert-comptable fragile et invisible, a-t-il pu devenir l’un des pires criminels de Gotham ? Plongez dans l’histoire sombre et glauque d’un homme en marge de la société, refusant de passer inaperçu plus longtemps.
L’énigme Nigma
Encore un récit des origines chez DC. Encore un « Année Un ». Mais cette fois-ci cependant, ce retour sur les prémisses du Riddler (anciennement le Sphinx) vient éclairer l’univers du long métrage The Batman signé Matt Reeves et surtout il est écrit par son interprète à l’écran, l’excellent Paul Dano.
Il n’est pas si rare que les acteurs s’essayent à la bande dessinée, en particulier aux Etats-Unis où un grand nom est toujours une bonne occasion commerciale. Mais ici point de création purement personnelle, mais plutôt un prolongement direct du travail effectué par le comédien pour construire et donner corps à sa propre vision à l’écran du fameux « vilain ». Rarement aussi énigmatique et complexe que tel qu’il a été présenté dans le dernier long métrage de Batman, un déséquilibré en croisade persuadé de prolonger la mission du justicier, cet Edward Nigma a été beaucoup plus développé en amont pour que la partie entre-aperçu dans le film puisse paraitre complète et crédible. A partir de ce passé inventé, de ce façonnage psychologique, de tout ce travail préparatoire, Paul Dano (The Fabelmans, Okja, Prisoners…) à a donc été invité à le coucher sur papier, à le transposer en roman graphique. Un voyage complet, trouble et souvent inquiétant, dans la psyché tourmentée d’un pauvre comptable, renfermé et trop doué pour son bien, qui va peu à peu perdre pied face à la folie et la dangerosité du monde qui l’entoure. Déjà marqué par quelques réminiscences de souffrance et de mauvais traitement vécus enfants (abandon, orphelinat, familles d’accueils…), sa raison va définitivement s’effriter lorsqu’il tente de révéler une vaste affaire de corruption a sa hiérarchie, avant de réaliser peu à peu que toute la ville y est plongée jusqu’au cou. Sa petite enquête personnelle va même l’amener à découvrir des ruelles et arrière-cours plus dangereuses encore que celle traversées par Batman, et entre violence, mort et transfert obsessionnel, Edward va peu à peu devenir The Riddler, symbole d’une rébellion née sur le web et les réseaux parano.
Des questions ?
Très convaincant dans sa construction progressive, dans sa montée en force narrative, The Riddler Année Un est surtout efficace par l’économie avec laquelle Paul Dano installe son personnage, ne noyant jamais le lecteur sous des monologues interminables ou des analyses freudiennes ampoulées, mais s’efforce véritablement de donner accès à un personnage toujours plus pathétique et triste que véritablement maléfique. Même la longue trame policière mise en place pour relier la fascination du bonhomme pour la famille Wayne à celle d’un Batman devenant le symbole d’une justice inespérée et idéalisée, vient effectivement crédibiliser le long cheminement qui l’amène à être cette curieuse silhouette masquée du long métrage. Un journal intime souvent passionnant, parfois effectivement peut-être un peu trop explicite (c’était le risque) sur ce qui n’était qu’une toile de fond chez Matt Reeves, l’album n’est heureusement jamais qu’un simple produit dérivé du film, une prequelle officielle parmi d’autre. Paul Dano y fait preuve de vrais talents d’écriture, et le choix porté sur l’illustrateur serbe Stevan Subic est on ne peut plus pertinent. Pour l’instant surtout connu chez nous pour avoir illustré la série MORIARTY et le premier album de la relance de Tarzan par Christophe Bec, le dessinateur aborde chaque planche par le point de vue biaisé de son protagoniste, regardant toujours Gotham à hauteur, basse, de la rue, changeant constamment les formes et les cadres, jouant sur des atmosphères opaques et angoissantes, jusqu’à faire apparaitre monstres et visions délirantes dans les recoins. Entre zones floues, lumières diffuses, découpages qui se transforme aux grès des réflexions et des bouleversements de Nigma et surtout croisements de peintures et de collages divers, la démence semble contaminer la BD même jusqu’à un cinquième chapitre ou tout ne se réduit plus qu’à un cahier de notes griffonnées, de grands plans délirants et de dessin hallucinés.
En plus d’être un complément solide et très intéressant de The Batman, ce The Riddler Année Un s’avère aussi tout simplement un comic assez ambitieux et graphiquement souvent osé et original, portrait d’un innocent fragile devenu psychopathe terroriste, qui peut même séduire, in fine, au-delà du long métrage.