THE ONE HAND & THE SIX FINGERS T.1

Etats-Unis – 2024
Genre : Policier, Science-fiction
Dessinateurs : Laurence Campbell, Sumit Kumar
Scénaristes : Ram V, Dan Watters
Nombre de pages : 72
Éditeur : Urban Comics
Date de sortie : 31 janvier 2025
LE PITCH
2873. À Neo Novena, l’inspecteur Ari Nassar fête à peine son départ en retraite qu’un meurtre le replonge instantanément dans une affaire vieille de vingt-trois ans. Trente-deux victimes, une empreinte palmaire unique à six doigts et deux assassins au même modus operandi déjà placés sous les verrous par Ari lui-même. Alors qui ? Et pourquoi maintenant ? Non loin de là, l’étudiant en archéologie Johannes Vale réalise avec horreur qu’il n’est peut-être pas étranger à ce crime brutal, seulement… il ne se souvient de rien !
Pile et face
Étonnante publication pour Urban Comics qui revient ici de manière exceptionnelle à un format comics à couverture souple. Le lancement d’un nouveau mensuel en kiosque ? Pas tout à fait, mais une mini-série de cinq albums publiés de janvier à mai regroupant deux versants d’une même pièce : The One Hand par Ram V et Laurence Campbell et The Six Fingers par Dan Watters et Sumit Kumar.
Ce n’est cependant pas une nouvelle lubie de l’éditeur mais bien une façon de répondre à la publication tout aussi étonnante des titres aux USA. En effet, là-bas, ses deux séries concoctées par des équipes créatives différentes ont sortis leurs épisodes respectifs en parallèle au début de l’année dernière et partage plus qu’un même univers, un futur lointain au décorum très Blade Runner, puisqu’on y découvre deux points de vue distincts déclenchés par un même évènement : un meurtre sanglant faisant échos à d’anciennes et terribles affaires. Ainsi le premier épisode de The One Hand approche le sujet par la personnalité de Ari Nassar, inspecteurs ployé par les années qui vient juste de fêter son départ à la retraite mais qui rempile le jour même à la découverte de la scène de crime. Un vrai anti-héros de roman noir, solitaire, opiniâtre, fataliste, client régulier des prostituée androïdes, et qui ne semble en effet vivre que pour son métier. L’excellent Ram V (Toutes les morts de Laila Starr, The Swamp Things…) rend brillamment son hommage au polar pesant et glauque, et l’intègre très habilement dans des questions science-fictionnelles qui vont peu à peu prendre l’ascendant au fur et à mesure de l’enquête. De ce côté-là, le britannique Laurence Campbell (The Punisher, BPRD Hell On Earth…) s’en donne d’ailleurs à cœur joie, travaillant comme toujours les matières et les ombres, les textures et les contrastes, pour souligner l’aspect « hors du temps » d’un récit policier en terrain glissant.
Deux yeux maléfiques
A lire avant ou après The One Hand, il y a donc accolé le premier chapitre de The Six Fingers, dont les illustrations de Sumit Kumar (These Savage Shores, Justice League…) tranchent justement radicalement avec la série sœur. Elles remplacent la palette sombre et lourde par des teintes beaucoup plus douces, presque légères, pour mieux accompagner le destin du jeune Johannes Vale. Un étudiant en archéologie passionné par ses recherches, mais aussi ouvrier nucléaire le soir pour les financer, et qui malheureusement à lui aussi semble-t-il un souci avec les relations humaines. D’autant plus tendus que certaines de ses visions et/ou souvenirs manquant semblent l’aiguiller directement vers une scène de crime… que l’on connait déjà. Là c’est le Dan Watters de Lucifer, House of Whispers ou Detective Comics qui s’efforce de nous faire plonger dans l’esprit d’un serial killer atypique et torturé. Déjà intrigantes séparément, les deux séries mettent en place un jeu de miroir inspiré, se répondant régulièrement et surtout se complétant pour faire avancer peu à peu l’histoire collective vers une réflexion autour de l’intelligence artificielle, de la réalité et du choix entre confort et lucidité.
Des petits airs de Matrix (mais sans baston kung-fu) à prévoir dans les volumes à venir pour cette expérience narrative bien accrocheuse. On précise que ce premier tome peut être accompagné d’un fourreau cartonné afin d’y ranger progressivement l’intégralité de la collection.