THE NEW WORLD

The New World #1-5 – Etats-Unis – 2018
Genre : Science-Fiction
Dessinateur : Tradd Moore
Scénariste : Ales Kot
Nombre de pages : 176 pages
Éditeur : Hi Comics
Date de sortie : 30 avril 2025
LE PITCH
Les États-Unis ont connu une seconde Guerre Civile ; en Nouvelle Californie, la population suit tous les jours une émission de téléréalité brutale, où la police pourchasse des criminels désignés par le pouvoir en place, puis les exécute selon le vote du public. Stella Maris est la flic la plus efficace à ce jeu – mais refuse de tuer quiconque. Un soir, elle fait la rencontre de Kirby Shazaku Miyazaki, avec qui elle passe une nuit torride. Mais Kirby est aussi un anarchiste bien décidé à renverser le gouvernement. Lorsqu’il devient l’ennemi public numéro un après une tentative d’attentat, Stella doit selon la règle l’arrêter et le mettre à mort.
Le monde est à vous
Publié il y a quelques années déjà chez Images Comics, la minisérie The New World se dote enfin d’une édition française grâce à Hi Comics. Une redécouverte qui n’est certainement pas totalement étrangère à l’engouement légitime qu’ont connu récemment Silver Surfer : Black et Doctor Strange : Fall Sunrise, deux aventures Marvel pop enluminées par le talentueux Tradd Moore.
Un artiste dont effectivement le travail saute immédiatement aux yeux avec ses formes rondes alambiquées, son découpage et son rythme presque psychédéliques, la grande place laissée aux couleurs flashy de sa compagne Heather Moore et bien entendu l’exubérance baroque de ses univers. Ici une Amérique issue d’un futur post-apocalyptique, mais dont on ne verra que la partie la plus lumineuse, la plus riche. La Californie donc qui s’est rapidement transformée en dictature libérale, où la plèbe est constamment noyée sous les images d’une émission suivant les arrestations de délinquants et de dissidents, avec vote du public pour choisir la survie ou nom du hors-la-loi. Une version moderne des jeux du cirque, mariée aux joyeusetés de la télé-réalité et de la magie des réseaux sociaux. C’est dans ce contexte que vont se croiser pour une nuit de passion, Kirby Shazaku Miyasaki (ce nom !) et Stella, lui révolté venant de pirater les images de la fameuse émission et rapidement crédité alors comme terroriste, et elle seconde flic la plus plébiscitée du pays.
New Order
Un Romeo & Juliette futuriste mais certainement pas naïf, où le couple certes s’enflamme l’un pour l’autre, mais doit surtout faire face à un monde et un système qui s’enraye, échapper aux troupes militaires envoyées par le président (accessoirement grand-père de Stella) et réussir à traverser le mur qui enserre la région et interdit tout échappatoire. Scénariste d’un run réussi des Secret Avengers, de Zero ou du comic de Bloodborne, Ales Kot installe très efficacement son univers et surtout offre une sacrée personnalité à ses personnages, mais aborde son récit non pas comme une étude SF sérieuse, mais bien comme un grand divertissement vif, bourré d’humour et constamment emporté par l’action, les poursuites rocambolesques (le sauvetage du chat Godzilla) et des révélations, moins sérieuses et dramatiques, que métaphoriques. Même si de nombreux éléments font directement échos à certains éléments de la politique américaine contemporaine, The New World vise bien plus une certaine universalité, célébrant la rébellion de la jeunesse face à l’ordre établi, le rejet de contrôle et la défiance envers les médias « officiels ». Classique forcément, un peu court sur certain sujet et sans doute légèrement déséquilibré dans son développement (la dernière partie semble trop accélérée et précipitée), mais indéniablement attachant et fun.
Là encore, il faut reconnaitre que Tradd Moore fait des petits miracles en multipliant les trouvailles visuelles (la baston uniquement en onomatopées, l’effet de vitesse sur la voiture qui traverse la maison, la rencontre silencieuse et sensuelle dans la boite de nuit… ) et en habillant tout ce petit monde avec des vêtements aux design souvent délirants, surimpressions de lignes, de formes, de matières et de couleurs, sidérants de libertés et d’outrances. Sacrément moderne.