THE DEPARTMENT OF TRUTH T.1 : AU BOUT DU MONDE
The Department of Truth #1-5 – Etats-Unis – 2021
Genre : Thriller, Science-Fiction
Scénariste : James Tynion IV
Illustrateur : Martin Simmonds
Éditeur : Urban Comics
Pages : 152 pages
Date de Sortie : 28 janvier 2022
LE PITCH
L’agent spécial Cole Turner étudie depuis des années les théories conspirationnistes qui s’exposent sur les forums du monde entier et transmet ses enseignements à l’académie du FBI de Quantico. De l’assassinat du président Kennedy à l’alunissage de 1969, en passant par la crise des missiles de Cuba, l’information est sans cesse remise en question par les complotistes les plus fervents. Certain qu’il comprendra mieux leur fonctionnement et leur logique, Turner décide de s’immiscer au cœur d’une étrange réunion, une réunion qui le conduit à douter de la réalité même…
L’info qui tue
La terre est-elle vraiment ronde ? Les reptiliens dirigent-ils la politique américaine depuis leur base secrète souterraine ? Qu’en est-il de ces fameux islamogauchistes qui détiennent les rênes de l’éducation nationale et de ces vaccins contenant des nanorobots contrôlant la pensée et permettant de capter la 5G ? Parce-que la vérité est toujours ailleurs.
Scénariste omniprésent dans la production DC, James Tynion trouve toujours un peu de temps pour se lancer dans quelques projets plus personnels comme Wynd, conte fantasy sur l’acceptation de la différents, et ce The Department of Truth dont le lectorat n’est pas forcément le même. Mais on note une fois encore un titre très attaché à des questions d’actualité, puisque la série se confronte directement à la question malheureusement omniprésente des grandes théories du complot. Si aux USA les adeptes de Qanon mènent le bal et font de Donald Trump un défenseur secret de l’équilibre d’une Amérique blanche au seuil du grand remplacement, ce n’est pas beaucoup mieux près de chez nous… Il suffit de voir les délires hallucinés et carrément flippants de certains anti-vax. Et si la profusion et la croyance en ces grandes fumisteries pouvaient les rendre réelles et directement transformer le monde tel qu’on le connaît ? C’est la dure réalité que découvre l’Agent Cole lorsqu’il est emmené au bord du monde, confronté à une terre qui serait bel et bien plate ! Un tulpa, une pensée devenue réelle par qui et pourquoi ? Bienvenue dans le nouveau monde de cet agent du FBI désormais sous l’autorité du Département de la vérité censé contrer la prolifération ces légendes urbaines, ces croyances en un vaste mensonge dont la prolifération menacent l’équilibre du monde. A la manière de The X-Files dans les années 80, The Department of Truth embrasse la plupart de ces croyances modernes, les intègre à sa propre mythologie, pour mieux en explorer à la fois les contours les plus absurdes, mais aussi leurs mécaniques propres et leur impact sur les croyants et les non croyants.
Gorge profonde
Un polar totalement paranoïaque où l’on revient sur les « platistes », l’alunissage d’Armstrong, l’assassinat de JFK (et oh surprise…), la vague de panique sataniste des années 70, les sectes pédophiles au sein du complexe politico-industriel, les soi-disant origines africaines de Barack Obama, tout en tissant des liens à la logique bien effrayante entre tous ces sujets qui ont fait la une des médias chacune leur tour. Cérébral pour le moins, parfois assez complexe dans ses références et sa narration, ce premier tome happe aussi le lecteur par sa faculté à révéler la douleur, les peurs et la profonde humanité qui se cache derrière ces fameuses remises en question du réel. Le 3ème chapitre se montre d’ailleurs particulièrement déchirant lorsqu’il montre comment la mère d’un gamin mort dans une tuerie, se met elle-même à se prendre pour l’une des pièces d’un grand complot qui mettrait en scène de faux massacre dans les écoles afin de retirer aux bons américain le droit de posséder une arme. Une plongée dans la folie, une sensation constante de contamination par les fantasmes les plus nauséabonds de certains courants de pensée (essentiellement d’extrême droite), auquel l’illustrateur Martin Simmonds (Jessica Jones, New Mutants, Punk not Dead) donne des airs de cauchemar éveillé, d’univers en perpétuel glissement de terrain. Formes déstructurées, couleurs directes, collages de matières et de trames, mélange d’ultra réalisme et de caricature, expressionnisme… Un travail visuel très impressionnant qui rappelle forcément le mentor et génie absolu Bill Sienkiewicz et qui achève de faire de ce premier tome de The Department of Truth le démarrage plus excitant de ce début d’année.