Une authentique curiosité éditoriale que cette BD du film éditée en 1990 par le petit éditeur indépendant Mirage Comics justement a l’origine des premiers titres TMNT. Même si la série animée fait un carton chez les plus jeunes et que le titre et ses jouets commencent à prendre de l’importance, ils n’étaient pas encore bien nombreux ceux qui imaginaient que la version cinéma ferait un tel carton. Les Tortues restent donc bien loties dans leur habitat d’origine et se payent même la participation de leurs géniteurs. Si ce sont bel et bien Todd W. Langen et Bobby Herbeck qui ont signé le scénario du long métrage, ils se sont bien entendu largement inspirés des premiers numéros de la BD en reprenant de nombreux éléments (la rencontre avec April, le retour du clan Foot…) que vont reprendre à leur compte Peter Laird et Kevin Eastman. Comme une drôle de boucle où les deux auteurs réadapteraient un matériau déjà adapté de leur création. C’est d’ailleurs sans doute pour cela que malgré une fidélité assez marquée au script connu (seul un épilogue inédit fait vraiment la différence), à ses situations et ses dialogues (oui il y a bien un Cowabunga), cette BD se montre beaucoup moins généreuse en humour et en enfantillages.

Qu’on fait les meilleures soupes de tortues

Concentré sur les tortues et sur les aspects les plus dramatiques du film (la criminalité juvénile dirigée par les sbires de Shredder, la perte de Splinter…), ce Teenage Mutant Ninja Turtles : The Movie retrouve plus volontiers le sérieux voire l’atmosphère un poil plus sombre et adulte des comics initiaux. Une réappropriation jusque dans la prestation graphique signée Kevin Eastman (aidé par le copain et collègue Jim Lawson) qui retrouve les designs premiers, plus fins, plus brutes et plus sauvages de ses personnages et son noir et blanc tranché. On est loin ici des bouilles sympathiques et juvéniles de l’animé. On est loin aussi des pages standards découpées sans beaucoup de soin. Grand amateur de manga et de Frank Miller, Eastman dynamite véritablement l’aventure en signant des planches extrêmement denses, touffues et complexes où éclate son sens du découpage et de la narration, déployant la moindre scène d’action en démonstration de force quasi cinématographique, dilatant le temps et les mouvements.

Une prestation assez excitante donc, qui fut rééditée en 2014 dans une version colorisée à l’ordinateur par IDW. Un travail plutôt soigné soit, mais qui ne correspond pas franchement au coup de crayon de Eastman et à la tonalité générale. La bonne idée de Vestron est de proposer dans un seul volume les deux versions existantes du comics (celle de 90 et celle de 2014 toutes deux avec des textes français) et même la version rough plus rare encore (mais là qu’en anglais) démontrant tout le travail de préparation de l’artiste. Un volume collector plus complet que son homologue américain et un jalon important de l’histoire éditoriale des tortues : voilà une sortie qui ne peut que ravir les fans.