SWORD OF THE DEMON HUNTER T.1&2
Kijin Gentôshô / 鬼人幻燈抄 – Japon – 2021
Genre : Action, Fantastique
Dessinateur : Yû Satomi
Scénariste : Motoo Nakanishi
Nombre de pages : 184 et 160 pages
Éditeur : Panini Manga
Date de sortie : 5 mai 2024
LE PITCH
Il y a près de deux siècles, vers la fin de l’ère Edo, un petit village isolé dans les montagnes est la cible régulière d’attaques de démons. Les habitants confient à Jinta, un jeune sabreur vagabond accompagné d’une étrange petite sœur, le soin de défendre la prêtresse de leur sanctuaire. Un jour, Jinta part en forêt pour chasser un démon. Il se retrouve alors face à un adversaire qui lui parle d’un lointain futur… Pour le chasseur de démons en quête de réponses, cette rencontre marque le début d’une errance à travers les âges, guidée par le fil de son épée.
Yojimbo
Les sagas de sabre se font un peu trop rares ces derniers temps à nos goûts, heureusement voici la nouvelle série publiée par Panini Manga : Sword of the Demon Hunter. Une fresque fantastique qui s’annonce particulièrement tragique et qui permet de retrouver le trait assuré de l’auteur de Nuisible et Bloody Cruise.
Ce n’est cependant pas Yû Satomi qui est à l’origine du titre, mais bien Motoo Nakanishi, romancier qui continue d’en explorer le récit dans une série de light novels toujours en cours de publication actuellement au Japon. Un feuilleton à l’avenir prometteur donc, surtout qu’en plus de cette adaptation en manga, la mouture animée devrait arriver dans un mois sur la plateforme ADN. Pourtant à la lecture des premiers chapitres, on pourrait être étonné d’un tel succès et d’un tel engouement, Kijin Gentôshô reprenant à son compte plus ou moins tous les clichés habituels du genre avec son courageux héros fortement épris de la belle princesse qu’il doit protéger, ancienne amie d’enfance, veillant avec tendresse sur sa petite sœur espiègle dont le bandeau sur l’œil semble cacher un lourd secret. Sa mission est bien entendu de défendre le village contre les diverses apparitions de démons, créatures sauvages qui se nourrissent des pauvres innocents. Petit triangle amoureux, difficile allégeance à un devoir qui empêche le bonheur, opposition avec un bellâtre planqué promis à la dulcinée….
Les sacrifiés
Et pourtant, le récit ne va avoir de cesse de troubler ce socle confortable et surtout de gommer graduellement le manichéisme premier. Les relations entre nos héros se tendent en même temps qu’elles se révèlent, et surtout Jinta va continuellement être placé face à de terribles dilemmes qui le dirigent droit vers une issue funeste. Présenté au départ simplement comme des antagonistes maléfiques, les démons du titre se montre aussi beaucoup plus complexe qu’attendu, en particulier par le biais de deux d’entre eux qui mettent ici en branle une succession d’évènements uniquement dans le but de survivre en tant qu’espèce. Un récit dont effectivement on sent poindre au bout de quelques chapitres l’issue annoncée, mais qui justement se dote d’un fatalisme terrible et tragique. Pas si nombreux que cela mais toujours bien amenés et surtout scénaristiquement imbriqués dans le récit, les combats sabres au clair contre les fameux monstres se dotent d’une sauvagerie et d’une rage qui tranche volontairement avec l’élégance et le calme apparant des scènes de cours ou de quotidien. Le mangaka Yû Satomi affirme un trait élégant, délicat et gracieux mêlant subtilement les lignes du manga sentimental et celui plus acéré du shonen, faisant de Sword of the Demon Hunter un manga toujours entre deux pôles, deux opposés, deux genres… Le titre dispose même dans les quelques pages d’ouverture, puis avec quelques rappels dans des dialogues plus tardifs, des éléments de fantastique qui insinuent des liens ténus avec le monde contemporain, et donc le lointain futur de ce japon médiéval.
Publiés en simultané, les deux premiers tomes de Sword of the Demon Hunter, qui font pour le coup véritablement office de prologue au reste de la trame, introduisent un shanbara mystique plutôt intriguant et sombre, doté d’un fort potentiel romanesque en tous cas, et finement illustré. Belle découverte.