Le Danthrakon donc, ouvrage doué de personnalité, capable de voler, de lancer des sortilèges voir même de transformer le monde, mais qui est surtout attiré par la fibre créatrice des artistes qui passent à portée. Ici donc il s’agit de Lathan, romancier en herbe et à la plume encore bien verte qui désespère de trouver le succès pour enfin se sentir à la hauteur de sa charmante fiancée Murcille qui elle aussi tente difficilement de joindre les deux bouts dans cette belle Parys d’Heroic Fantasy. C’est alors qu’il est censé servir de nègre à un terrifiant mafieux et industriel véreux rêvant de publier une autobiographie entièrement à sa gloire que notre héros découvre le grimoire qu’il va pousser à lui insuffler une inspiration nouvelle. Le point de départ d’une aventure qui va rapidement multiplier les dangers, ajouter une bonne dose de sorcellerie (et de nécromancie), accumuler les embardées vers la comédie survoltée comme tout bon récit signé Arleston (Lanfeust de Troy, faut-il le rappeler ?), mais qui prend aussi et surtout des airs de fable fantasy autour des affres de la création. Travaillant de concert avec Olivier Gay, Arleston joue comme à son accoutumé avec les mots, avec les références et les anachronismes à tiroir, mais il se prend surtout de sympathie pour cet anti-héros arriviste, jaloux, un peu pleutre, et surtout prêt à tout pour obtenir la reconnaissance qu’il croit mériter. Quitte à mettre sa dulcinée, ses proches, et pourquoi pas le monde en danger.

Licence poétique

Car Lathan n’écrit pas pour les bonnes raisons, et surement pas avec authenticité. Un personnage qui bien entendu va peu à peu grandir entre deux bourdes, tout en servant de loupe aux auteurs pour explorer à demi-mot le petit monde joyeux de l’édition et plus particulièrement celui de la bande dessinée. Un angle sans doute justement plus sincère, moins mécanique, qui manquait au précédent La Diva des pics, a tel point en effet que Succès damné peut même se passer d’afficher sur sa couverture son appartenance au cycle de Danthrakon. Parfaitement lisible indépendamment, et sans doute encore plus savoureux, en connaissant les autres péripéties attachées à l’artefact. Et on y retrouve d’ailleurs avec plaisir l’illustrateur incontournable Olivier Boiscommun (Troll, La Baleine blanche des mers mortes), digne successeur de Didier Tarquin, qui compose comme toujours un monde joyeusement coloré, bourré de petits gags et détails, avec une ligne claire mais ferme aux contours constamment animés.

De la bonne Bédé en somme, présentée au passage sous la forme d’une édition soignée avec couverture aux légers reliefs et qui s’achève par une interview amusante de quelques pages de l’authentique Lathan Dangodo, agrémentée de petits croquis.