STRANGE ADVENTURES
Strange Adventures #1-12 + Director’s cut #1 -États-Unis – 202
Genre : Science-Fiction, Super-héros, Drame
Scénariste : Tom King
Illustrateur : Mitch Gerads, Evan « Doc » Shaner
Éditeur : Urban Comics
Pages : 432 pages
Date de Sortie : 29 avril 2022
LE PITCH
Adam Strange, héros victorieux des guerres de Rann–Thanagar, savoure une retraite bien méritée sur Terre en compagnie de sa femme Alanna. En pleine tournée pour la promotion de son autobiographie, il est violemment pris à partie par un lecteur qui lui reproche le massacre d’innocents durant le conflit galactique. Quelques heures plus tard, ce même lecteur est retrouvé assassiné, à coup de blaster. Il reviendra à Mr Terrific de faire toute la lumière sur cette affaire.
No More Heroes
Super-héros équipé de Jetpack, Adam Strange était autrefois le symbole d’un héroïsme pur, d’un courage inlassable et de la réussite d’une certaine Amérique (blonde et blanche). Les années ont passé et avec Tom King aux commandes les héros deviennent des colosses aux pieds d’argiles… et ne manquent pas de s’effondrer.
Il y a communément deux types de comics de super-héros. Ceux qui s’abordent comme dans un grand soap aventureux et dépaysant, véritables blockbusters de papier offrant un divertissement total, presque premier degré, et ceux qui viennent questionner directement l’essence de l’univers qu’il aborde. Depuis son arrivée chez DC Comics, Tom King s’est clairement engouffré dans la seconde voie, confrontant Batman aux possibilités d’une vie normale, plaçant Superman a un choix impossible et surtout donnant corps aux inquiétudes de Mister Miracle face à ses propres troubles psychologiques et ses craintes de paternité. Reprendre un personnage classique, un peu daté et délaissé, scruter sa part d’ombre pour l’inscrire dans une nouvelle modernité… De prime abord le scénariste semble refaire à l’identique le même exercice avec le très Golden Age Adam Strange, héros de space opera projeté sur la planète Rann dont il deviendra le plus grand héros, l’époux de la belle princesse et l’ambassadeur sur Terre. Un descendant direct du John Carter d’Edgar Rice Burrough et autres Flash Gordon, toujours présent dans le panthéon DC mais souvent mis à l’écart par ses aspect rétros et son mélange de naïveté et de vieille école coloniale. Cette mini-série placée dans la gamme Black Label, assurant un ton plus adulte et hors chronologie, joue d’ailleurs brillamment sur les deux tableaux. Il offre ainsi à l’illustrateur Evan Doc Shaner (Futur Quest ou le revamp de Flash Gordon chez IDW justement) le soin de retrouver la pureté lumineuse des aventures d’autrefois pour décrire les grandes batailles, les épisodes victorieux et les peuples ennemis qu’Adam Strange, véritable Laurence d’Arabie in Space, va réussir à fédérer pour contrer l’assaut ultime des terribles Pykkts. Cependant, pour dessiner le retour sur terre du personnage, accompagné d’une épouse désormais très loin de la jolie princesse éplorée, c’est au Mitch Gerads de Mister Miracle et Sheriff of Bagdad qu’il confie le soin d’élaborer un quotidien terrien beaucoup plus complexe et réaliste.
Propagandes
Une cohabitation entre deux approches, deux esthétiques, deux lignes chronologiques et surtout deux perceptions qui justement viennent mettre à mal l’image du héros, et plus précisément du héros de guerre. Récit universel, mais où l’on voit pointer encore une fois des échos de certaines actualités américaines (Tom King est un ancien de la CIA qui fut engagé en Irak) et qui secoue non pas l’image même du fameux héros, ici en pleine tourné de promotion pour son autobiographie, mais surtout la représentation changeante, tour à tour idéalisée puis traîné dans la boue, que l’opinion publique et les mass-médias peuvent en avoir. Un portrait on ne peut plus contemporain, complexe, passionnant, dont la première victime reste indéniablement Adam Strange plus humain que jamais, et dont le grand gagnant est Michael Holt, alias Mister Terrific, autre personnage secondaire de l’éditeur, connu pour ses connaissances sans limites, ses dons de détective et surtout sa quête implacable de la vérité. Dans un monde où l’actualité n’est plus que subjective, ou le fait est questionné sous l’angle de l’émotion et de l’idéologie, le fair-play avec lequel il aborde son enquête autour de l’implication d’Adam dans un meurtre sur terre et dans des crimes de guerre sur Rann, lui donne des airs d’ultime résistant.
Dans Strange Adventure il est souvent question de failles… pas forcément que celles des héros costumes, mais aussi celles des lecteurs trop absorbés par les belles histoires et leur happy end pour voir que la réalité est toujours beaucoup plus embrouillée et cruelle que cela.